Compagnie du Midi et Train Jaune

le musée ferroviaire de Paul Dumanois

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Compagnie du Midi et Train Jaune le musée ferroviaire de Paul Dumanois

Transcription :

Ce son vous rappel quelque chose ? L'ancien jingle de la SNCF peut-être ? Hé oui, il va être question de patrimoine ferroviaire dans le reportage de cette semaine. Nous allons rencontrer Paul Dumanois, un passionné de l'histoire des chemins de fer qui s'est plus particulièrement penché sur les lignes transpyrénéennes, sur celles de l'ancienne compagnie du Midi et sur celle du Train Jaune. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

Et c'est précisément à la gare de départ du Train Jaune, à Villefranche de Conflent, dans les Pyrénées-Orientales que nous nous sommes donné rendez-vous avec Paul, car ce passionné d'histoire ferroviaire qui a créé l'association Développement Patrimoine et Constructions Ferroviaires a eu l'opportunité d'exposer quelques pièces de sa collection dans une salle de Fort Libéria, une sentinelle dominant la ville, construite par Vauban en 1681. On ne peut le rejoindre qu'à pied ou en empruntant un 4*4 faisant la navette entre la gare et la citadelle pour permettre aux visiteurs de parcourir sans se fatiguer les 200 mètres de dénivelé dont il faut s'affranchir pour monter à fort Libéria. Je vous avais parlé de cette mini-exposition dans un reportage consacré au Train Jaune. Mais aujourd'hui, c'est chez lui, que nous allons retrouver Paul, car faute de disposer d'un local dans lequel il rêverait d'installer un vrai musée, c'est là que sont entreposées les milliers de pièces ferroviaires qui constituent sa collection. Une véritable caverne d'Alibaba ferroviaire dans laquelle sont entassées près de 3000 pièces et autant de documents d'archives, récupérés ici et là au gré des fermetures de lignes et autres démolitions de gare qui ont touchées la région au même titre que les autres d'ailleurs, ces 30 dernières années. Un sauvetage qui a été réalisé en partenariat et avec le plein accord de la SNCF. Une convention liant l'ancienne structure Réseau Ferrée de France devenue entre-temps SNCF Réseau, à l'association que préside Paul Dumanois, pour la mise à disposition de ces pièces. Pour une bonne partie, il s'agit d'objets qui ont été récupérés sur le terrain, en particulier le long de la ligne Pau-Canfranc, dont certains remontent à l'époque de son exploitation par la Compagnie du Midi. Ce que Paul aime par-dessus-tout, c'est remonter l'histoire grâce à ses objets, dont il n'a parfois pas la moindre idée lorsqu'il les retrouve, de ce à quoi ils pouvaient bien servir. Et surtout, parvenir à évoquer à leur travers l'histoire des hommes qui les ont manipulés.

C’est un peu justement l’aboutissement de cette passion, de dire que chaque objet ferroviaire a une explication, une raison d’être. Quand on parle des cheminots, on parle souvent des trains, des locomotives, on parle des voies ferrées, des gares mais on oublie que derrière il y avait des corporations entières de métiers ferroviaires, on parle du lampiste évidemment en général mais il y avait aussi tout ce qui était métiers de préparation de matériel et il faut imaginer que le matériel quand il roule il s’use, il faut l’entretenir.

Dès lors qu'il s'agit de l'histoire des Chemins de Fer, Paul est intarissable. Et l'un de ses plus grands plaisirs est d'embarquer à bord du Train Jaune notamment, avec une poignée de touristes ou de passionnés à qui il sert de guide conférencier et qu'il emmène sur le terrain, relever les traces encore visibles du passé ferroviaire de sa région. Au cours de ses recherches, il a fait bien des découvertes. Les documents qu'il a retrouvés, lui ont par exemple permis de se rendre compte que des métiers qui étaient liés au cheval, et qui auraient pu purement et simplement disparaître avec l'avènement des machines à vapeur, exploitées pour le transport des voyageurs, mais aussi pour les travaux dans les champs, ont été dans un premier temps, ré-intégrés dans les compagnies de chemins de fer. Elles ont ainsi embauché des bourreliers et des selliers pour s'occuper de fabriquer et d'entretenir les sièges des voitures de première classe qui étaient en cuir, ou encore qu'il existe des similitudes entre l'organisation des sociétés de chemins de fer et l'armée.

Au chemin de fer, c’est un peu une copie civile de l’armée, parce qu’on retrouve des corps de métiers comme à l’armée, on retrouve une discipline un peu comme à l’armée, un suivi du matériel un peu comme à l’armée mais aussi on retrouve une reconnaissance du métier comme à l’armée parce qu’il y a des décorations en pagaille, des médailles en pagaille, moi j’en ai une série de décorations de médailles, on retrouve des médailles d’orphelinats, de tout ce qui est reconnaissance des métiers, il y a les médailles des associations fraternelles, des associations catholiques, il y avait vraiment de tous les corps de métiers, des médailles des génies du chemin de fer, il y avait les médailles du corps du train de l’armée qui était rattaché au chemin de fer à l’époque donc il y avait des cheminots qui avaient été engagés dans l’armée pour le génie ferroviaire, le 5ème génie, le régiment du train qui était à Versailles, au camp des matelots à l‘époque, tout ça c’est lié : on retrouve des insignes liés au chemin de fer par l’armée, ça se croise et ça se chevauche, on retrouve des documents des formations de l’époque des voies ferrées, de l’école du Génie moi j’ai un bouquin qui date d’avant 1900 qui explique toute la construction des voies ferrées mais qui explique comment saboter et détruire un réseau ferroviaire pour pouvoir le réparer après, c’est-à-dire quand dans le Génie ils savaient détruire, c’est pour ça qu’il y avait des pointes de dynamitage bien précis sur les ouvrages d’art, il y a des endroits très stratégiques, ils savaient qu’après ils pouvaient récupérer l’implantation pour reconstruire les ouvrages d’art, ça a été étudié pour entre autre les ponts, ils faisaient tomber une travée de pont en sabotant une pile et en coupant le tablier à deux endroits, c’est le cas à Estagel, le pont d’ Estagel est équipé de chambres de dynamitage dans deux piles et il y a deux zones de découpage pour mettre des charges de plastique qui sont encore présentes dans le tablier du pont, il y a encore les boîtes de charge, qui sont vides heureusement, c’est à préciser il n’y a rien dedans, il n’y a aucun risque, et c’était prévu pour que ce pont soit cisaillé en deux parce que déjà à l’époque le Ministère de la Guerre avait demandé avant 1900 que ces lignes soient classées « stratégiques », c’est pour ça qu’il y a deux points sur cette ligne qui sont prévus pour être dynamités.

Une anecdote parmi tant d'autres que pourrait vous raconter Paul, et qu'il tient des nombreuses pièces et documents qu'il a récupéré sur le terrain ou qui lui ont été confiés par des particuliers ayant eu connaissance de sa passion et de son travail en faveur de la préservation du patrimoine ferroviaire. Ne lui demandez pas en revanche combien de pièces il a ainsi récolté. Tout affairé à ses travaux de recherche, il n'a pas encore eu le loisir d'en faire un inventaire.

A une époque je disais qu’il y en avait au moins 2000, ça se rapprocherait peut-être plus des 3000 si on compte vraiment toutes les petites pièces et tout, c’est vrai qu’on ne compte là que la partie « objets » et en partie « documents » il y en a pratiquement autant parce que j’ai beaucoup d’archives ferroviaires, justement de préservation de documents, de plans, ce qui me permet de confirmer et d’authentifier certaines choses au niveau ferroviaire par rapport aux objets que j’ai, c’est souvent intéressant parce qu’on retrouve par les documents l’utilité de certains objets, des gens pourraient passer à côté d’un objet sans savoir ce que c’est et moi grâce aux documents que j’ai d’époque, on peut identifier l’objet et expliquer l’utilité, si un jour je fais un musée, de pouvoir confirmer par un document authentique de l’époque l’utilité de l’objet. Par exemple, à la gare de Lapradelle j’ai trouvé une clé en fer qui ressemblait à une clé d’égoutier mais sans savoir ce que c’était. Un jour, dans des documents d’archive dans la gare de Cases-de-Pène qui étaient en tas dans la gare, je retrouve un document « plombage et ligaturage » parce qu’à l’époque les wagons de marchandise on les plombait avec des pinces à plomb et des plombs, et on les ligaturait avec du fil de fer de 6 mm et pour ligaturer le fil de fer on faisait ce qu’on appelle une queue de cochon, c’est-à-dire qu’on faisait une boucle en fil de fer et on passait cette clé qui a un trou et on tournait, on tournait et ça tordait le fil de fer, ça faisait comme une queue de cochon et après avec une tenaille on coupait le fil de fer et c’était ligaturé, c’était ça la ligature et dans le bouquin il y a une photo de la clé et l‘explication de la ligature.

La collection ne va sans doute pas continuer à grandir à la vitesse à laquelle elle s'est constituée ces dernières années, car de l'aveux de Paul, retrouver de nouveaux objets le long des voies de chemins de fer laissées à l'abandon est une mission de plus en plus difficile.

C’est vrai que soit ça a été mis dans les collections particulières de personnes soit qui ont des ancêtres qui ont été cheminots à l’époque où c’était les grandes compagnies, j’ai eu le cas comme ça, une dame de Toulouse qui m’a contacté parce que son grand-père était cheminot à la compagnie du Midi et qu’elle avait encore son sac-drap roulant qui lui permettait de dormir au foyer, j’ai récupéré une ancienne veste à des chemins de fer de l’Est d’Epernay qui a encore des boutons avec marqué « Est » et qui est marquée avec des plaques en cuivre ATEP, Atelier d’Epernay, qui étaient vraiment les vestes utilisées dans les ateliers avant que ça ferme, c’est vrai que c’est dommage que cet atelier n’existe plus, ça fait partie la mémoire, de l’Histoire de ces choses-là et pareil les uniformes j’en ai quelques-uns de différentes époques, surtout SNCF parce qu’avant c’est très dur de les trouver.

Le rêve de Paul serait de pouvoir présenter toutes ses trouvailles dans un musée qu'il aimerait ouvrir si possible dans un lieu lui-même chargé d'histoire ferroviaire. Plusieurs pistes ont déjà été évoquées : l'ancien poste de douane ou l'ancien hôtel de Latour-de-Carol, terminus du train jaune, dont la gare possède le plus long toit couvert d’Europe, un détail que Paul n'aurait pas manqué de souligner, ou encore dans la gare de Canfranc à la frontière franco-espagnole. Un lieu qui serait le bienvenu d'autant qu'il n'existe pas de musée ferroviaire à proprement parler à ce jour, dans le sud-ouest de la France.

Mais terminons ce numéro d'Aiguillages comme nous l'avons commencé, avec quelques éléments relevant du patrimoine sonore ferroviaire.
Tout d'abord un sifflet de locomotive ...
Une cloche de passage à niveau …
Ou encore une sonnerie de prise de service utilisée par la SNCF
Et enfin un cloche de quai.


Remarquez au passage la forme très particulière de cette cloche qui reprend le principe d'un haut-parleur à l'envers, un dispositif qui avait été étudié pour faire en sorte que le son se diffuse à la hauteur des oreilles des voyageurs, pour qu'il soit perçu au mieux, malgré le brouhaha des quais de gare et qui continue de résonner encore très longtemps après que le dernier coup soit donné.

La semaine prochaine dans Aiguillages, je vous parlerai de train américain. Une nouvelle convention sur ce thème est annoncée pour la rentrée 2018 à Clermont-Ferrand, nous en parlerons et je profiterais de l'occasion pour vous présenter un très beau réseau à l'échelle 0n30, celui de Frédéric Morin : The Fraggle Rock Lumber Compagny.

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