L'avenir du Poste 1 de la gare

de Perrache

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L'avenir du Poste 1 de la gare de Perrache

Transcription :

C'est un poste d'aiguillage qui a été construit dans les années 30 par le PLM, et qui a été rénové dans les années 50, et doté d'une technologie de pointe pour l'époque, pour faire face à l'accroissement constant du trafic, sur la ligne Paris Lyon Marseille. Le 11 novembre 2016 il a été désaffecté, et se pose aujourd'hui la question de son devenir et de sa préservation.

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Vous êtes prêt à monter quelques marches ? Parce qu’aujourd’hui nous allons grimper tout en haut de ce poste d'aiguillage pour en découvrir le pupitre de commande. Nous serons en compagnie d'Olivier qui est chargé de réfléchir au devenir de ce bâtiment et de Jean-Gérard qui y a travaillé 16 ans avant de prendre sa retraite quasiment le jour de sa fermeture. Ils nous expliqueront en quoi ce poste d'aiguillage datant des années 30 était à la pointe du progrès à l'époque où il a été équipé de la technologie Thomson-Houston. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

A l'entrée nord de la gare de Perrache à Lyon, le poste 1 avait été mis en service par le PLM dans les années 30. Il a tracé ses derniers itinéraires à la mi-novembre 2016, remplacé par un centre de commande centralisé et informatisé situé à Jean-Macé. Il est d'un intérêt patrimonial certain de par son architecture Art-Déco et l'équipement dont il a été doté en 1951 pour le moderniser. Il est ainsi devenu l'un des principaux postes à leviers d'itinéraires français, et un modèle pour la mise au point de la petite cinquantaine d'équipements du même type qui ont été installés par la suite un peu de partout sur le réseau. Il fonctionne grâce à un poste à poignées d'itinéraires de la marque Thomson-Houston. La grande nouveauté pour l'époque a été de remplacer la force physique de l'aiguilleur employée pour manœuvrer les aiguilles, dans les postes Viguier notamment, par l'énergie électrique. Plus d'enclenchements mécaniques, mais le choix par l'opérateur des itinéraires à établir, lesquels ne sont réalisés que si toutes les conditions de sécurité sont satisfaites, par une série de relais électriques.

Ici on est sur un poste qui est dit « à pouvoir », c’est-à-dire qu’on ne fait pas appel à la force motrice de l’aiguilleur mais à un fluide extérieur, ici c’est l’électricité même si on a pu utiliser également l’air comprimé, le sous-pression, etc., donc on a des postes hydrauliques et pneumatiques, ici on est sur un poste électromécanique mais on a quand même « électro » pour « électricité », les aiguilles et signaux sont manœuvrés par électricité.

Et la grande différence par rapport aux autres types de postes d'aiguillages existant à l'époque, c'est qu'ici, la simple manipulation d'une poignée agit sur une grande quantité d'équipements, au lieu d'un levier dédié à une aiguille, un signal, ou un ensemble assez modéré de signaux et d'aiguilles, d'où un très gros gain de temps sur l'établissement des itinéraires, de l'ordre de 1 à 9, ce qui était recherché pour l'augmentation du trafic.

Au-dessus de chacune de ces poignées, on peut voir qu’on a deux indications, prenons par exemple ici DP, donc DP on aura « Direction Paris », on a ici DPb, ici j’aurai DPh, ici j’aurai DPag, ici par exemple j’aurai DPdep, évidemment chacun de ces points c’est l’origine et la destination de l’itinéraire que je vais former si je tire vers moi la poignée correspondante.

Ce tableau de commande est situé dans la salle de contrôle tout en haut du poste d'aiguillage, mais les actions sur ces poignées entrainent toutes une série de mouvements dont on ne peut prendre conscience qu'en se rendant dans les étages inférieurs. Sous les pieds des aiguilleurs une salle est remplie de relais qui pour beaucoup sont encore d'origine. Ces barres sont celles du combinateur mécanique. Nous sommes ici juste sous le pupitre. Les barres sont activées par la manipulation des poignées sur le tableau de contrôle situé à l'étage au-dessus.

A chaque levier d’itinéraire qui est en haut correspondent deux barres verticales, barres d’itinéraire ici, et à chaque aiguille sur le terrain correspond cette barre horizontale qui est appelée un « balancier d’aiguille ». En fait on a un système qui est matriciel, puisqu’on a superposé tous les balanciers d’aiguille qui représentent les aiguilles et dans la largeur on a verticalement toutes les barres d’itinéraire qui correspondent aux itinéraires établis.

La gare de Perrache comptait plusieurs postes d'aiguillage du même type que celui-ci, le poste 2, contrôlant la partie sud, et Perrache marchandise dédié à l'annexe fret, les dispositifs installés dans le poste de Perrache 1 prenaient en charge une 40 aine d'aiguilles, une 30 aine de signaux, le tout autorisant le tracé d'une centaine d'itinéraires. Simple traversée pour les convois de marchandises en transit, se faisant sur les voies situées le plus au fond de la gare, accès à des voies en impasse pour les autorails dont le parcours se terminait ici, ou pour les trains auto-couchettes, manœuvres sur ses voies dédiées sur le pont, retournement des convois en direction de Givors et Saint-Etienne, ou envoi sous le tunnel de Saint-Irénée de ceux en partance pour la gare ou le dépôt de Vaise, ou bien sûr, réception et expédition de trains en provenance ou en partance pour Paris, dont le trafic TGV qui était reçu ici, avant l'ouverture de la gare de la Part-Dieu. Pour autant, le tableau de commande n'a jamais été utilisé au plein de ses capacités, les poignées bleues restant disponibles pour de prochaines affectations qui n'ont jamais été implémentées. Avec la mise en service de la gare de la Part-Dieu, celle de Perrache a perdu de son importance, mais l'évolution du trafic et du matériel en est aussi la cause. La mise en service de rames réversibles ayant limité le nombre de manœuvres nécessaires en gare avant qu'un train ne puisse repartir, et certains types de dessertes ou de services n'existant tout simplement plus.

Les trains de voyageurs qui arrivaient avec les porte-autos derrière, du coup ces porte-autos étaient remanœuvrés pour être remis sur d’autres trains ou remis ici au déchargement, bref, on avait deux voies prises par deux trains, plus les manœuvres qui allaient d’un train à l’autre et sur les autres voies d’à côté, là déjà il y avait une grosse demi-heure, trois quarts d’heure, il fallait bien suivre les ordres de manœuvre parce que c’était un peu dur. Avant, quand on prenait la nuit, le soir, à 21h, on savait qu’il y avait deux heures de machines à expédier, c’est parce que les trains arrivaient de Part-Dieu à Perrache donc les machines étaient de notre côté, on enlevait les machines, elles passaient toutes par des tiroirs pour les renvoyer au dépôt à la Mouche. Si ça se passait bien c’était évacué du côté P2, ils remettaient une remonte de l’autre-côté-là-bas, une machine de manœuvre et ça repartait, mais si ça devait être évacué sur le triage de Vaise, la machine de manœuvre on la reprenait ici et on la remettait sur le train d’où on venait d’enlever l’autre et hop ça partait à Vaise. Avec l’évolution du matériel, on avait moins d’interventions sur le matériel donc il y avait moins de manœuvres à faire mais à une époque il y avait des plages horaires où on savait que ça allait être … il fallait se retrousser les manches, poser le verre de café et c’était parti pour 1h30-2h où on n’avait pas le temps de faire quoi que ce soit d’autre que le boulot.

Jean-Gérard a passé pas mal de journées, de soirées, de week-end et même de nuits au poste 1 de Perrache. Il y est arrivé en 2000 à la faveur d'une évolution de carrière, et a pu faire coïncider la date de son départ en retraite, avec celle de sa fermeture, le 11 novembre 2016. Pour autant, il n'est pas fâché d'y revenir quelques mois plus tard pour aider Olivier à compléter les connaissances qu'il a pu acquérir sur son fonctionnement. Car le projet, est bien de permettre à ce bâtiment de connaître une nouvelle vie. Un devenir sur lequel Jean-Gérard et ses collègues se sont souvent interrogés et qui étaient particulièrement bien placé depuis leur tour de contrôle pour observer l'intérêt que le public peut avoir pour le patrimoine ferroviaire.

On rigolait souvent sur le fait de faire un restaurant panoramique ! Après c’est ce qu’on disait, quand il y avait des trains spéciaux qui circulaient, style trains à vapeur, le monde qu’il y avait sur les quais pour les voir arriver, mais c’était impressionnant ! Je n’en revenais pas.

Quant à Olivier, il a été mandaté par SNCF réseau qui reste pour l'heure propriétaire du poste d'aiguillage, pour mener une mission d'étude de faisabilité de la reconversion de ce site. Et l'une de ses premières idées serait bien sûr de préserver en l'état les étages techniques du poste, pour les ouvrir à la visite, selon des modalités qui restent pour l'heure à définir. Mais il verrait bien un simulateur qui redonnerait vie à ce tableau de contrôle. Les visiteurs pourraient pour quelques instants se mettre dans la peau d'un aiguilleur et être appelé à tourner les poignées pour construire des itinéraires. Il imagine déjà les sonneries qui se déclencheraient lors de la manœuvre des aiguilles, les lumières qui s'éclaireraient de nouveau sur le tableau de contrôle optique, les conversations captées par la radio, le tout rythmé par le passage des trains. Le défi à relever étant de faire en sorte que le bâtiment puisse générer des revenus suffisants pour subvenir aux besoins liés à son entretien. Alors ce projet de musée vivant, sera peut-être complété par un hébergement insolite, ou une autre forme d'animation qui aiderait à générer les subsides nécessaires. À ce stade de l'avancée du projet, toutes les idées restent les bienvenues et vous pouvez en suggérer en commentaire sous ce reportage, ou en les adressant par l'intermédiaire de la page contact du site d'Aiguillages.


Pour poursuivre son étude du fonctionnement du poste d'aiguillage de Perrache, Olivier s'est également rendu à Mâcon, où subsiste et fonctionne pour quelques mois encore un poste assez similaire, puisque construit sur des principes dérivés de la mise au point de celui de Lyon. Je l'ai suivi sur place, et cela fera l'objet d'un autre reportage dans Aiguillages qui sera consacré à ce dernier poste reposant sur la technologie Thomson-Houston, encore en fonctionnement en France.
La semaine prochaine, nous irons faire un tour à la fête de la vapeur organisée chaque année par l'Essonne Vapeur Club 45 à Longjumeau.

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