40 ans de TGV Sud-Est

(dernier épisode)

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40 ans de TGV Sud-Est (dernier épisode)

Transcription :

Saviez-vous que l'inauguration de la desserte de Marseille par le TGV en 1982 s'était déroulée dans un climat glacial et pourquoi ? Que le TGV Postal a tiré sa révérence en 2015 après 30 ans de bons et loyaux services ? Vous souvenez-vous d'avoir vu disparaître discrètement les derniers TGV orange ? Et du remplacement progressif des rames d'origine mises en service en 1981 par des TGV Duplex ?

Voilà quelques-uns des événements sur lesquels je reviens dans ce dernier épisode de la série consacrée à l'histoire du TGV Sud-Est. Je continue à feuilleter la Vie du Rail pour vous l'a raconter aujourd'hui en revenant sur 40 ans d'exploitation de la Ligne à Grande Vitesse Paris-Sud-Est. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

Ce qui avait été inauguré le 22 septembre 1981 n'était qu'une partie de la Ligne à Grande Vitesse Paris-Sud-Est, son tronçon sud. La construction de cette ligne avait débuté en 1976, et pour mener à bien les travaux le chantier avait été divisé en deux sections. Celle allant de Saint-Florentin à Sathonay d'une longueur de 301 km, et une autre qui devait ouvrir un an plus tard entre Combs-la-ville et Saint-Florentin de 116 km. Son inauguration sera un peu retardée en raison de restrictions budgétaires et n'interviendra que le 25 septembre 1983. Dès la mise en service du tronçon sud, la desserte régulière de plusieurs villes en plus de celle de Lyon fut proposée. Le service TGV concernait alors également Saint-Etienne, Dijon, Besançon, mais aussi Genève. Quelques mois plus tard, les rames oranges s'aventuraient dans la vallée du Rhône, direction Marseille. Le voyage inaugural du TGV Vallée-du-Rhône-Méditérannée eu lieu le 17 mai 1982 mais l'accueil de la première rame en gare de Marseille fut glacial. Alors que les responsables de la SNCF se félicitaient du progrès accompli Paris et Marseille étant désormais à moins de 6 heures de train, la vision des politiques locaux étaient moins idylliques. C'est Gaston Defferre qui à l'époque était maire de Marseille, et il ne manqua pas de souligner dans son discours inaugural que la voie rapide s'arrêtait à Lyon, et qu'au delà le TGV poursuivait sa route à seulement 160 km/h. Certes la SNCF prévoyait alors des travaux pour porter cette vitesse à 200 km/h dans les années à venir en aménageant l'artère PLM, mais cette perspective était loin de réjouir l'édile de la ville.

Je ne vais pas vous refaire son discours et encore moins chercher à imiter l'accent Marseillais avec lequel il fut prononcé, mais en gros Gaston Defferre s'étonna que les gens du Midi aient pu être oubliés, et de préciser : mais vous ne pouvez pas nous avoir oublié, vous venez chez nous chaque été !

Le reste du discours était empreint du même humour méridional et les critiques continuèrent à fuser. Le maire de Marseille fini par faire comprendre à ses hôtes qu'il avait mieux à faire et n'assista pas à la fin de la cérémonie.

Les Marseillais considérés comme des sous-citoyens ? Tiens donc n'a peut-être pas inventé grand chose !

Quoi qu'il en soit, quelques jours plus tard, c'est une autre relation qui était amorcée celle vers la région qui ne s'appelait pas alors encore Occitanie, mais Languedoc-Roussillon. Par la même occasion, la gare de Montpellier qui avait été entièrement rénovée pour accueillir le TGV était également inaugurée. Mais au delà de ces deux grandes villes de la moitié sud de la France, ce sont beaucoup d'autres qui étaient désormais desservies par les trains à grande vitesse dont Avignon et Nîmes. De façon plus anecdotique, à partir de l'hiver 1982/1983 des TGV des neiges sont mis en service sous forme de trains supplémentaires circulant le samedi vers Aix-les-bains et Chambéry avec correspondances assurées vers les vallées de la Maurienne, de la Tarentaise et de l'Arve.

Dès les toutes premières années le succès du TGV est indéniable, et si 87 rames avaient été commandées par la SNCF à l'origine, 22 supplémentaires le seront également, et ce sont au total 109 rames qui assureront le service Paris-Sud-Est.

Les premières ont été construites dès 1978, les dernières en 1986. Après avoir envisagé des TGV thermiques, ce ne sont finalement que des motrices électriques bi-courant qui seront construites. D'abord Patrick et Sophie, les deux rames de pré-série qui serviront de rames test en roulant intensivement pendant deux ans principalement dans la plaine d'Alsace, puis viendront les rames de série qui intégreront les modifications que ces essais auront suggéré d'apporter. Le principe étant que pour garder une série de matériel aussi homogène que possible, toute amélioration apportée sur l'une des rames serait systématiquement appliquée sur toutes celles à venir et toutes celles déjà construites Les boggies et le rapport d'engrenage seront ainsi modifiés pour porter la vitesse maximale des TGV Sud-Est de 260 à 300 km/h. Seules 9 d'entre elles échapperont à cette harmonisation. Les rames numérotées 110 à 118 étant dotées de motrices tricourant pour pouvoir circuler en Suisse.

Car si dès son inauguration le TGV a fait des incursions dans ce pays en rejoignant la gare de Genève-Cornavin via une ligne alimentée en 1500 volts compatible avec le matériel roulant français, il allait très vite s'y enfoncer de plus en plus, avec la création d'une filiale commune à la SNCF et aux CFF, baptisée Lyria.

Et dès lors, il fallait pour certaines rames TGV être en capacité de rouler sous une tension de 15 volts. Les liaisons franco-suisses n'étaient pas nouvelles, dès l'été 1961 une relation était établie entre Paris gare de Lyon et Lausanne via le Trans-Europe-Express qui continuait même sa route jusqu'en Italie, ce qui supposait de mettre en service sur cette relation des rames quadri-courant, celles-ci étant fournies par les Chemins de Fer Fédéraux Suisses. Le 22 janvier 1984, une première liaison TGV est mise en place entre Paris et Lausanne, suivie d'une autre entre Paris et Berne le 31 mai 1987. L'entité Lyria est officiellement créée en mai 1993. A partir de l'hiver 1995, le samedi la liaison vers Lausanne est prolongée jusqu'à Brigue pour desservir les stations de sport d'hiver du Valais. D'autres liaisons Franco-Suisses seront créées par la suite, au fur et à mesure de la création d'autres Lignes à Grandes Vitesse en France, notamment les LGV Est et Rhin-Rhône, mais ça, c'est donc une autre histoire.

Pour revenir à la France, un TGV un peu particulier a vu le jour, il a même failli préfigurer une nouvelle génération de Trains à Grande Vitesse qui auraient transportés à travers le pays voire l'Europe non pas des passagers, mais du fret. Ce train-là, c'est le TGV Postal.

L'idée d'un TGV Postal est née 3 ans avant l'inauguration de la LGV Sud-Est. La Poste est alors en pleine réflexion sur l'évolution du transport longue distance du courrier qui se faisait pour partie en avion et pour partie en train, étant entendu que l'avènement du TGV amènerait inéluctablement à la suppression de certains trains circulant sur la ligne PLM classique. L'analyse de ses besoins amènera La Poste à passer commande de 2 rames et demie.

oui, dit comme ça, ça peut paraître bizarre. La demie rame était constituée d'une motrice et de 4 remorques, elle était là pour servir de réserve en cas de défaillance de l'une des deux autres rames ou tout simplement pour permettre à ses TGV de partir en révision en temps et en heure.

Car même si les TGV Postaux étaient appelés à faire moins de km que leurs grands frères orange, leur programme était néanmoins bien chargé. Dès leur mise en service, quotidiennement, deux rames partaient de Paris. La première en début de soirée pour regagner Lyon, où elle ne restait que peu de temps avant de remonter à Paris dans la nuit, en ayant desservi en remontant le centre de tri postal de Mâcon. La seconde quittait Paris plus tard en début de nuit, s'arrêtait également à Mâcon mais dans le sens de la descente, puis rejoignait Lyon pour ne repartir pour la capitale qu'en milieu de matinée. Le nombre de rotations quotidiennes montera jusqu à 8 en 2009. Deux rames et demie se révélant à l'usage insuffisantes, une troisième rejoint le parc de la Poste. Elle fut obtenue par transformation de la rame 38 affectée jusque là au trafic voyageurs.

N'imaginez pas de scènes telles que l'on avait pu en connaître à la grande époque des allèges postales, ces wagons dans lesquels du personnel des PTT prenait place pour trier le courrier pendant la durée du trajet et qui disposaient même d'une boîte aux lettres dans laquelle on pouvait glisser son courrier, le seul être humain à bord de ces rames était le conducteur.

Les TGV postaux n'embarquaient en effet aucun personnel, mais seulement des conteneurs. Ceux-ci étant de deux types ceux dédié au transport des colis, et ceux pouvant contenir des lettres. Le tout étant pré-trié, avant le départ du train. Chaque rame avait la capacité de transporter jusqu'à 64 tonnes de courrier. Pas de voyage d'agrément possible à bord de ces engins dont les remorques étaient dépourvues de fenêtres et dotées pour seule ouverture d'une porte latérale d'un mètre vingt de large. Lors du chargement, il fallait veiller à assurer un bon équilibre de manière à ce que l'effort porte de façon également répartie sur chacun des deux fils de rails. Des détecteurs de charge reliés à des signaux lumineux placés à l'intérieur des remorques étaient là pour rappeler cette nécessité si du moins, elle n'était pas correctement respectée. D'autres dispositifs étaient associés aux bogies d'une part pour s'assurer que le plancher de la rame se trouvait à une hauteur constante de 1 mètre 15 au dessus du rail, et ce pour faciliter les opérations de chargement et de déchargement, et d'autre part pour adapter l'effort de freinage en fonction du poids embarqué qui pouvait varier assez fortement d'un trajet à l'autre, et même d'une remorque à l'autre.

Mais l'aventure du TGV postal et avec elle la perspective de développer un réseau express de fret à travers l'Europe va faire long feu.

Classiquement, c'est la concurrence de la route, mais surtout la baisse constante du nombre de plis transportés qui va amener la Poste à arrêter l'expérience. Celle-ci n'ayant plus d'intérêt à faire rouler des TGV en partie vide. Au passage, l'entreprise reproche aussi à la SNCF une augmentation de ses tarifs de péage pour qu'elle puisse emprunter ses lignes et une sur-facturation des opérations de maintenance de ses rames. Le TGV jaune quitte donc la scène ferroviaire française à la fin du mois de juin de l'année 2015.

C'est sans doute dommage car d'autres lignes que celles exploitées avaient été envisagées, et mieux même on parlait à une époque d'un projet baptisé Euro Carex pour Cargo Rail Express qui viserait à l'horizon 2020 à transporter des marchandises à travers toute l'Europe en utilisant les Lignes à Grande Vitesse dans les heures creuses, c'est à dire essentiellement la nuit. Un projet dont j'aurais bien de la peine a vous dire aujourd'hui si il est encore d'actualité alors qu'en même temps le nombre de km de LGV a fortement augmenté.

Mais c'est surtout le trafic voyageurs qui s'est développé, et en particulier sur le réseau TGV Sud Est qui nous intéresse aujourd'hui. Entre Paris et Lyon, les possibilités de faire rouler plus de trains qu'il n'en circule déjà restent très limitées. En jouant sur la signalisation et le freinage, la cadence entre les trains a pu être augmentée sur la LGV Sud-Est. L'intervalle minimum entre les trains est désormais de 5 minutes. On ne pourra pas faire mieux, du moins sur cette ligne là. La solution passe donc par l'augmentation de la capacité des rames. Difficile des les faire plus longues qu'elles ne le sont déjà, cela poserait le problème de la longueur des quais amenés à les recevoir. Seule solution, gagner en hauteur.

Si vous avez suivi les précédents épisodes de cette série, vous vous souvenez sans doute de la formule du PDG d'Alsthom qui en 1966 avait demandé au designer Jacques Cooper d'imaginer un train qui ne ressemble pas à un train, et bien cette fois-ci c'est Roger Tallon, un autre designer chargé de dessiner le TGV à deux niveaux qui reprend plus ou moins la formule en annonçant qu'il va proposer un train, qui fera oublier le train.

Si Jacques Cooper s'était laissé inspiré par une voiture, la Porsche Murène pour dessiner le TGV, Roger Tallon qui a entre-temps été chargé d'imaginer la livrée et l'aménagement intérieur du TGV Atlantique pencherait plus volontiers du côté du bateau et de l'avion pour sa nouvelle création. Hors de question de parler d'étages ou de niveaux, cela rappellerait trop et de façon péjorative, les trains de banlieue, et encore moins d'impériale, qui aurait sans doute immédiatement fait référence à ceux d'une autre époque, ces nouveau TGV que l'on finira par baptiser Duplex seront dotés de ponts. La circulation entre les voitures se réalisant par le pont supérieur, le pont inférieur de chacune d'elle permettrait de s'installer dans un lieu plus au calme. Parmi les défis à relever pour parvenir à transporter près de la moitié de voyageurs en plus que dans une rame classique, il y avait celui du poids. Et c'est un changement de matériau qui permettra de le tenir. On passe de l'acier à l'aluminium. Enfin, les dernières innovations sont à rechercher dans la cabine de conduite, ou l'on trouvera désormais la place pour une petite cuisine et des toilettes. Mais surtout, le poste de conduite est désormais placé au centre. Une meilleure solution pour permettre au tableau de bord d'accueillir un plus grand nombre d'instruments ce qui est rendu nécessaire par de possibles circulations dans des pays voisins dotés de leurs propres systèmes de sécurité, et de s'adapter à une conduite à gauche ou à droite, en fonction des pays Européens traversés. Les premières rames Duplex seront mises en service à partir de 1995.

Au tournant des années 2000 la LGV Paris-Sud-Est a 20 ans, d'autres LGV ont vu le jour l'Atlantique, la Nord-Europe, la Rhône-Alpes, la Méditerranée et ces ouvertures successives ont eu pour conséquence une forte augmentation des circulations de TGV entre Paris et Lyon.

On peut même parler d'un trafic qui a été décuplé par rapport aux années 80 qui ont suivies son inauguration. 220 trains y circulent quotidiennement, et jusqu'à 300 les jours de pointe. De nouveaux aménagements ont été réalisés pour réduire encore le temps s'écoulant entre le passage de deux trains dans le même sens de circulation et relever la vitesse maximale de 270 à 300 Km/h. Un tel trafic n'est bien sur pas sans conséquence sur la voie et de gros travaux travaux ont du être menés entre 1996 et 2008 pour remplacer le ballast, des appareils de voie, régénérer la caténaire, un chantier qui fut immédiatement suivi par un autre d'encore plus grande ampleur entre 2008 et 2015 année durant lesquelles une moyenne de 100 km de voie sera traité. Une très grosse machine, appelée dégarnisseuse a alors été mise en service chaque nuit. Son travail est de retirer le ballast, c'est à dire le matelas de cailloux qui se trouve sous les rails et en assure la stabilité, de le trier pour ne garder que les éléments qui répondent aux normes en vigueur, le remettre en place et se débarrasser du reste et enfin refaire le complément nécessaire. Le convoi mesure pas loin de 600 mètres de long, mais le temps de sa mise en place et celui de libérer les voies pour permettre de nouveau aux TGV de circuler fait qu'il ne peut travailler que 3 heures par nuit en moyenne et traiter ainsi environ 1 km de ligne. On comprend que ce chantier ait pu durer dans le temps. D'autant que derrière, c'est une autre train usine qui peut intervenir une fois la voie correctement ballastée. Celui-ci se charge de changer les rails.

Mais l'évolution la plus perceptible aux yeux de tous, c'est celle du matériel roulant que l'on a pu voir circuler tout au long de ces années sur la LGV Sud-Est.

Pendant 20 ans, les reines de la ligne ont été les célèbres rames oranges, qui en 2001 ont définitivement disparu des paysages traversés. Ce n'est pas qu'elles ont été mise au rebut, mais qu'elles ont changé de livrée. Tout au long de leur vie, les rames TGV Sud-Est ont connues 3 grandes opérations de rénovation qui ont touché à des aspects techniques de leur fonctionnement bien souvent totalement invisibles aux yeux du grand public, en dehors de la révision de différents aspects de leurs aménagements intérieurs. Les rames ayant subi une telle révision entre après la mise en service du TGV Atlantique sont ressorties des ateliers affublées d'une nouvelle livrée harmonisée avec celle des autres types de TGV, leur couleur devenant gris métallisé et bleu. Celles l'ayant subi après l'ouverture de la LGV Rhin-Rhône sont ressorties revêtues de la livrée Carmillon. La motrice est blanche à face noire, la rame joue sur le gris foncé et le gris métallisé, et un filet dégradé courre le long des voitures passant du Carmin au Vermillon, d'où le nom de cette livrée qui a été obtenu par la contraction des noms des deux couleurs. C'est la livrée qui est maintenant associée à la marque TGV InOui. Avec elle, disparaissait définitivement toute trace de l'orange d'origine des TGV Sud-Est, avant que ce ne soit ces vaillantes rames de première génération qui ne tirent à leur tour leur révérence au tournant des années 2020.

Avec la fin de l'année 2021 qui marquait les 40 ans du TGV, c'est une nouvelle ère qui s'ouvrait sur la LGV Paris-Sud-Est avec l'arrivée d'un nouvel entrant la Flèche Rouge de Trenitalia avant peut être d'autres



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