Les Autorails Picasso

X3800

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Les Autorails Picasso X3800

Transcription :

Si vous n'êtes jamais monté dans l'un de ces autorails, il n'est pas trop tard, il y en a encore pas mal qui circulent sur des lignes de chemins de fer touristiques et même sur le Réseau Ferré National, mais uniquement désormais pour assurer des trains spéciaux rassurez-vous. Les autorails Picasso ont été produits à 251 exemplaires et ont assuré des services à travers tout l'hexagone. Les X3800 ont été surnommés ainsi pour une raison qui n'est pas forcément celle à laquelle vous pensez. Par qui ont ils été construits, pour assurer quelles types de relations, jusqu'à qu'en ont-ils circulé ? Je vous raconte tout ça et pas mal d'autres choses encore dans le reportage qui va suivre. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

Dans les années d'après-guerre, les affaires ne sont pas reluisantes il faut financer la reconstruction et l'argent manque. Les infrastructures ferroviaires et le matériel roulant ont subit de grosses dégradations et pas mal de pertes. Les élus de tout bord, mais surtout les édiles locales, n'étaient pas très favorables au train, lui préférant largement la voiture, le bus et le camion. Dans ce contexte difficile et devant l'urgence de la situation la SNCF commande aux constructeurs de l'époque de nouveaux exemplaires d'autorails qui avaient été conçus pour le compte des compagnies qui avaient précédés sa création en 1938. Le catalogue des différents constructeurs était plutôt bien garni, puisque les dépôts voyaient stationner avant guerre une 60 aine de modèles différents rien que dans la catégorie qui nous intéresse aujourd'hui, celle des autorails.

Cette grande diversité ravissait sans doute les amateurs, mais pas du tout la SNCF pour qui elle était source de bien des coûts que ce soit pour former les conducteurs qui doivent obtenir une habilitation pour piloter un matériel spécifique ou entretenir ce parc très hétéroclite.

La SNCF ayant été créée pour redresser la situation financière catastrophique des entreprises privées qui existaient encore, elle a cherché dès sa naissance à serrer les boulons pour réaliser des économies, de partout ou c'était possible. L'un des leviers sur lequel elle pouvait agir, était celui du matériel roulant. Jusqu'alors, c'était les constructeurs qui proposaient aux entreprises ferroviaires les locomotives, voitures et autres autorails qu'ils avaient mis au point, et qu'ils livraient en y intégrant les modifications souhaitées par les compagnies, d'où la grande hétérogénéité du matériel à cette époque. Avec la constitution de l'entreprise nationale, les choses allaient changer. La SNCF s'est dotée en interne de plusieurs services chargés d'étudier ses besoins en termes de matériels roulants, allant jusqu'à la conception de leur cahier des charges avant de passer des commandes aux constructeurs qu'elle mettait au passage en concurrence.

C'est ainsi que dès 1938 fut créée la DEA, Division d'Etudes Autorails qui se lança dans un vaste plan de conception de plusieurs séries d'autorails unifiés.

Une par besoin. Ceux-ci étaient alors de disposer d'engins adaptés à la circulation sur de petites lignes à faible trafic, ce seront les X 5500 affichant une puissance de 150 chevaux, à des relations de type express sur des lignes plus fréquentées, ainsi naîtront les X 2400 les plus puissants des 3 avec 600 chevaux, et enfin, d'assurer des services d'omnibus, ce seront les missions dévolues aux X 3800 qui nous intéressent aujourd'hui, dont le moteur développait 300 chevaux. L'X 3801, premier de la série, fera office de prototype et sera construit par la Régie Renault, sur l'île Seguin en août 1950. A peine sortie d'usine il partit sur les voies pour une 10 aine de mois de tests qui allaient servir à confirmer les choix techniques qui avaient été fait, à apporter le cas échéant les modifications nécessaires avant le lancement de la production de la première série.

Et celles-ci se suivront, car la SNCF passera au total 11 commandes de ces autorails à 3 constructeurs différents entre 1950 et 1961.

Renault sera chargé de la construction de 110 d'entre-eux, De Dietrich d'en produire 21 et les Ateliers du Nord de la France se verront chargés de l'assemblage de 120 exemplaires. Quand à l'entreprise Decauville, elle sera chargée de la fabrication de remorques unifiées. Au cours de leurs carrières ces autorails fréquenteront 32 dépôt différents répartis sur tout le territoire. La principale nouveauté de ces engins, c'est leur caisse auto-portée, une innovation qui venait d'être introduite dans le domaine de la construction automobile. Le gros intérêt de cette technique qui a recours à des tubes creux pour former la structure d'un véhicule, est qu'il permet d'en réduire considérablement le poids. 8 tonnes seulement pour celle des X3800, ce qui était très peu par rapport aux autres matériels roulants conçus auparavant. Le toit était conçu en aluminium, ce qui là encore permettait de s'affranchir de pas mal de kilo. Cette économie de poids, permettait une économie de puissance moteur. Les 300 chevaux de ces autorails étaient suffisants pour le service auxquels ils étaient destinés. Ils pouvaient ainsi atteindre les 120 km/h, et tracter une ou deux remorques, du moins sur des lignes au profil pas trop exigeant, jusqu'à des rampes de 13 pour mille.
Peu de modifications seront apportés à cette série d'autorails, si ce n'est une variante au niveau du moteur, que la SNCF souhaitera introduire sur certains modèles à titre de test. Ainsi certains seront équipés du moteur 517 G de 300 chevaux de chez Renault, dont la puissance après quelques adaptations sera portée à 340 chevaux, d'autres du type 575 toujours de chez Renault, développant 360 chevaux, et d'autres encore d'un moteur Saurer de type BZDS de 320 chevaux.

Ces nouveaux autorails ne seront pas reçus si bien que ça par les cheminots.

Trois principales critiques leur seront faites. D'abord, beaucoup de cheminots ne les trouvent tout simplement pas beaux et mal finis. Ils leur reprochent aussi d'être en retrait d'un point de vue technologique, sur ce qui se faisait avant guerre. Le retour de la pédale d'embrayage, sur laquelle il faut appuyer très fort pour passer les vitesses, n'est par exemple pas bien perçue. Des autorails d'une génération antérieure, les ABJ, étaient dotés d'une boîte de vitesses électro-pneumatique plus agréable à manipuler, mais la volonté de la SNCF avec ces séries d'autorails unifiés était de revenir à du matériel fiable, robuste, et économique. D'aucun pourraient comparer ces engins à la 2 chevaux ou à la camionnette H que Citroën mettait sur le marché à la même époque, avec a peu près la même philosophie. Troisième reproche, les agents de protection des chantiers chargés de prévenir les ouvriers travaillant sur la voie, de l'arrivée d'un train, les trouvaient très peu visibles avec leur robe rouge grenat et gris clair de l'époque, à comparer aux trains à vapeur dont le panache de fumée était perceptible de très loin. Un accident mortel se produisit de ce fait en 1951. C'est alors que le ministre des transports soucieux de trouver une solution rapide à ce problème, imposa à la SNCF de repeindre de couleurs vives les X3800.

On testa alors différentes teintes, dont des rouges et des jaunes assez vifs, un jaune orangé également, on essaya également de peindre en rouge l'intégralité du toit, et il semblerait que ce soit ces essais de couleurs qui ont valu aux X3800 leur surnom de Picasso.

Pour beaucoup, ce surnom serait aussi lié à la disposition de la cabine de conduite, très proéminente et placée de façon asymétrique sur l'un des côtés de l'engin. C'est vrai que cela peut contribuer à faire penser à une œuvre du peintre qui représentait des visages dont le nez ne se trouvait pas au milieu de la figure, mais cette disposition n'était pas totalement nouvelle et avait déjà été adoptée avant les X3800 sur d'autres engins. L'intérêt de cette disposition était technique. Elle permettait de placer la cabine de conduite juste au dessus du moteur. L'embrayage pouvait ainsi être en prise directe sur celui-ci, mais surtout, il n'était plus besoin d'aménager deux postes de conduite à chacune des extrémités des engins. Le mécano, prendrait place en se positionnant de coté, et n'aurait qu'à se tordre le coup, pour regarder dans la direction de la circulation. Quand celle-ci se faisait moteur en avant, ça allait encore, mais dans l'autre sens, les choses se compliquaient un peu quand même, un vaste angle mort de l'ordre d'une soixantaine de mètres se déployant alors à l'avant du train. Pas facile, quand il s'agissait de manoeuvrer, et en particulier d'accrocher une remorque. Autre situation qui s'est très vite révélée délicate, la conduite dans les départements d'Alsace et de Moselle où la circulation se fait à droite. Sur ces lignes là, la signalisation étant logiquement également placée à droite, sa visibilité était rendu assez mauvaise lorsque les autorails circulaient moteur à l'arrière. Par conséquent, les autorails Picasso ont assez rapidement été dispensé d'y rouler.

En ce qui concerne l'expérience passager, elle est très sympathique aujourd'hui quand il s'agit de goûter à l'un de ces autorails le temps d'un parcourir à but touristique, mais à l'époque, pour ceux dont c'était les trains du quotidien, il s'agissait d'une expérience de 3ème classe.

Lorsque les autorails Picasso sont mis en service au début des années 50, la troisième classe existe encore, et c'est dans celle-ci que leurs équipements placent ces trains du quotidien, qui sont emprunté par les écoliers, les ouvriers et parfois même les vacanciers. Seuls quelques-un d'entre-eux seront livrés avec un équipement mixte de 2nde et 3ème classe. Les voyageurs accèdent à l'autorail par une plateforme où sont aménagés 5 strapontins et des toilettes et se répartissent dans deux salles. Celle qui se trouve à l'autre extrémité du compartiment moteur est la plus prisée. Ses larges baies vitrées offrent une vision panoramique sur la voie. Elle comprend 30 places non fumeurs. La deuxième salle, plus à l'arrière, est fumeur et compte 32 places. Suit un espace fourgon dans lequel il est possible d'embarquer jusqu'à 1 tonne 5 de courrier ou de petits colis, et enfin le compartiment moteur qui donne sur la voie, au travers de vitres. Finalement en 1956, la 3ème classe est supprimée.

Si vous pensez qu'on à alors changé les banquettes de tous les autorails Picasso pour les mettre à niveau, vous vous trompez. Non, non, on s'est juste contenté de peindre un deux à la place du 3 et le tour était joué.

Quand aux quelques exemplaires qui étaient déjà dotés d'un équipement mixte, ils ont été transformé par le même coup de peinture magique, en autorail de 1ère et 2ème classe. Les Picasso ont été aperçus sur à peu près toutes les lignes non électrifiées de toutes les régions de France, bon nombre d'entre eux arboraient une classique livrée rouge et crème, mais d'autres s'en sont éloignés. L'X3853 par exemple qui circule maintenant sur la ligne de la Transvap près du Mans, a retrouvé la livrée bleu et blanc qu'il arborait alors qu'il avait été affecté à la ligne Breauté-Beuzeville – Fécamp pour préfigurer en quelques sortes ce qui serait quelques années plus tard le TER. Deux autres l'X 3896 et l'X 3900 furent transformés en autorail de tournée d'inspection et reçurent à ce titre une livrée vert clair, l'X 3997 devenu autorail de mesure fut repeint en gris clair et gris foncé avec des bandeaux orange. La carrière des autorails Picasso à progressivement pris fin dans à partir du milieu des années 70. Les premières radiations sont intervenues en 1976. Elle se sont poursuivies jusqu'en 1988. Une cinquantaine d'exemplaires, c'est un record absolu pour une même série de matériel roulant a pu être préservée par différentes associations. Quelques-uns ont connu des fortunes diverses et ont du finir par être ferraillé ou comme banques de pièces, mais bon nombre restent encore vaillant et arpentent les réseaux gérés par des associations de trains touristiques ou circulent sur le Réseau Ferré National.

Vous trouverez sur le site d'Aiguillages www.aiguillages.eu à la rubrique Agenda les dates des principales manifestations ferroviaires programmées dans les mois à venir et parmi elles il y en a plusieurs qui concernent des circulations en autorail Picasso. A ce propos, avez-vous déjà eu l'occasion de monter à bord de l'un d'entre eux ? Je sais que parmi les Aiguillonautes il y a de grands amateurs de ces autorails, qu'un certain nombre d'entre-eux en a conduit au cours de leurs carrière, ou le font encore aujourd'hui dans le cadre d'associations qui en entretiennent, vous pouvez me raconter tout ça dans les commentaires, même si votre expérience est celle d'un simple passager, je les lirais comme d'habitude avec beaucoup d'attention, vous pouvez aussi me suggérer les prochains matériels roulants que vous voudriez voir abordé dans cette série qui se poursuit sur la chaîne, si vous en avez raté certains des épisodes, vous les retrouverez ici, en cliquant sur cette vignette. Si ce n'est pas encore fait, pensez à vous abonner à la chaîne et à activer la petite cloche pour être tenu informé de la publication de mes prochains reportages, et en attendant, je vous retrouve la semaine prochaine pour partager avec vous mes plus récentes découvertes ferroviaires.





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