Le noeud ferroviaire lyonnais

Bientôt désengorgé ?

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Le noeud ferroviaire lyonnais Bientôt désengorgé ?

Transcription :

Le noeud ferroviaire lyonnais est le plus complexe et le plus fréquenté de France. II voit passer 1200 trains par jour, compte 772 km de voies ferrées, 66 gares, et 36 millions de voyageurs par an. Le trafic est à la fois local il irrigue le bassin de vie lyonnais, régional, il dessert les grandes villes d'Auvergne-Rhône-Alpes mais aussi national et européen. Au départ de Lyon il est possible de rejoindre très facilement Paris mais aussi les grandes villes de l'est, du sud-est, du nord et de l'ouest du pays. Seul le sud-ouest est un peu plus difficile à atteindre, du moins sans passer par la capitale et y changer de train. Au delà des frontières Lyon est connectée à la Suisse, à l'Allemagne, aux pays du Benelux (Belgique, Pays-bas et Luxembourg), au Royaume-Uni et à l'Espagne même si les relations directes en TGV vers ces deux dernières destinations sont pour l'heure suspendues. Les gares de la métropole lyonnaise voient aussi passer de nombreux trains de fret ainsi que des mouvements techniques, des trains ayant des déplacements à réaliser en dehors de toute exploitation commerciale qui compte pour par loin du quart du nombre total de circulations sur une journée donnée.

Rien d'étonnant qu'aux heures de pointe, ça coince souvent surtout que plusieurs goulots d'étranglement se sont constitués au fil du temps. Résultat les trains au départ ou à l'arrivée à Lyon ont tendance à cumuler plus de retards que la moyenne nationale. En 2019, la gare de la Part-Dieu était même classée avant-dernière de la région Aura, en terme de ponctualité. Heureusement des chantiers ont été lancés pour fluidifier la circulation ferroviaire autour de la ville. Comprendre comment s'est constitué le noeud ferroviaire lyonnais, son présent et son avenir, c'est ce que je vous propose de découvrir dans ce premier numéro de l'année 2023. Une excellente année à vous, si vous le regardez dans le courant du mois de janvier. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

Le train est arrivé très tôt à Lyon. Dès 1833 Marc Seguin établit une ligne depuis Saint-Etienne, passant par la rive droite du Rhône, dont la gare se trouvait non loin de celle actuelle de Perrache. Il ne reste aucune trace de cette gare dite du Bourbonnais qui bien qu'un temps classée monument historique fut finalement détruite pour laisser place au marché gare de la ville. L'artère Paris-Lyon-Méditérannée a été constituée par étapes dans les décennies qui ont suivi. En 1854 fut ouverte la gare de Vaise terminus provisoire de son tronçon nord, tandis que de l'autre côté du Rhône, était installée en 1856 une gare temporaire à la Guillotière réservée aux trains partant vers le sud du pays. En 1857 fut mise en service la gare de Perrache, qui implantée beaucoup plus près du centre ville, le fut néanmoins dans un espace très contraint. Pour que les trains puissent poursuivre leur trajet au-delà de la gare de Vaise, il fallut construire le tunnel de Saint-Irénée, un ouvrage d'art de 2109 mètres de long, pour permettre à la voie ferrée de passer sous la colline de Fourvière, puis un pont pour franchir la Saône. Du côté sud de la gare, c'est un autre pont qui dut être construit pour traverser le Rhône. Dans le même temps, au nord-est de la ville, le train est arrivé par Ambérieu-en-Bugey et Genève. Il doit dans un premier temps s'arrêter à la gare de Saint-Clair ouverte en 1856 avant que la construction d'un autre pont sur le Rhône ne lui permette de rejoindre celle des Brotteaux qui sera inaugurée en 1858. En 1863, ce fut au tour de la gare de la Croix-Rousse de prendre du service, pour établir une liaison ferrée vers Sathonay et Trévoux puis Bourg-en-Bresse, et enfin en 1876, celles de Saint-Paul et de Gorge-de-Loup qui ouvrirent une relation vers l'ouest-Lyonnais avec pour horizon Montbrison dans le département voisin de la Loire.

Il faudra attendre ensuite un peu plus d'un siècle pour qu'une nouvelle gare soit construite à Lyon. Durant cette période, le noeud ferroviaire lyonnais va continuer à se développer un peu, avant de commencer à se rétracter.

En 1890, une nouvelle branche lui fut rattachée, un tronçon de voie ouvert entre Collonges et Saint-Clair pour permettre une nouvelle jonction ferroviaire nord-sud passant par la gare des Brotteaux. Dans le même secteur en 1900, fut ouverte la section Saint-Clair-Sathonay offrant un meilleur débouché aux lignes de Bourg-en-Bresse et Trévoux qui aboutissaient jusqu'alors à la gare en cul-de -sac de la Croix-Rousse. Enfin, un contournement ouest de Lyon fut établi, passant par Lozanne, Tassin et Givors entre 1906 et 1910. Ce fut le dernier grand chantier engagé dans l'agglomération avant de nombreuses années, le suivant étant celui lié à la construction de la première ligne de TGV qui aboutira au début des années 80. Dans l'entre-temps, les portions de ligne Sainte-Foy l'Argentière – Montbrison et Croix-Rousse – Sathonay furent déferrées. Par petits bouts entre 1941 et 1964 pour la première, intégralement après son déclassement en 1978 pour la seconde.

Ce fut donc l'arrivée du TGV qui relança les grands travaux ferroviaires à Lyon

A l'époque on parlait déjà de la saturation du noeud ferroviaire lyonnais. La configuration très particulière de la gare de Perrache ne permettait pas d'envisager d'y faire aboutir l'intégralité du nouveau flux de trains attendu. La ville elle-même, cherchant de nouveaux espaces pour poursuivre son développement envisageait la création d'un second centre ville sur la rive gauche du Rhône dans le quartier dit de la Part-Dieu, occupé par des terrains militaires et une gare de marchandises. L'armée devant libérer ses terrains, un grand projet d'aménagement urbain fut lancé. Il comprenait la construction de près de 2000 logements, d'un vaste centre commercial, de plusieurs dizaine de milliers de mètres carrés de bureaux, d'équipements culturels, une bibliothèque, un auditorium, et d'un pôle multimodal intégrant une nouvelle gare qui viendrait en remplacement de celle des Brotteaux. La nouvelle gare de la Part-Dieu fut inaugurée en 1983, tandis que celle des Brotteaux fut désaffectée dans le même temps, ses voies étant désormais utilisées pour le garage de rames. Le TGV sera également à l'origine de la création d'une troisième grande gare apte à le recevoir, celle de Lyon-Saint-Exupéry mise en service en 1994 peu de temps après l'inauguration de la Ligne à Grande Vitesse Rhône-Alpes évitant un passage par le centre de Lyon aux passagers en partance ou en provenance du sud de la France. Dans la foulée, un autre projet qui était dans les cartons depuis l'arrivée du TGV à Lyon a été menés à terme : C'est la gare de Jean-Macé qui a été ouverte en 2009. Elle reçoit des TER Auvergne-Rhône-Alpes et offre une interconnexion avec les bus urbains, ainsi que l'une des lignes de tramways et l'une de celles de métro que compte la ville.

Le trafic ne cessant de croître, les conditions de transports par le rail dans l'agglomération ne firent qu'aller en empirant, il était temps d'agir !

Un premier rapport fut publié en 2011. Il mettait en exergue les principales faiblesses du réseau ferré local et ses trois principaux goulots d'étranglement.
La section Saint-Clair – La Guillotière par laquelle doivent passer tous les trains en provenance du nord et du nord-est Ambérieu, Bourg-en Bresse, Paris, Roanne … pour desservir la gare de la Part-Dieu.
L'amorce de la ligne de Grenoble jusqu'à la LGV
Le franchissement du Rhône entre Givors et Chasse-sur-Rhône.

Le rapport relevait également les difficultés d'exploitation des gares de Saint-Paul, en cul-de-sac, et de Perrache où les trains en provenance de Saint-Etienne devaient faire demi-tour en utilisant une voie en impasse construite sur le pont enjambant la Saône, avant de pouvoir entrer en gare à quai. C'est à la suite de ce rapport que furent engagés les travaux de mise en service de la gare Jean Macé, qu'une onzième voie fut aménagée à la gare de la Part Dieu, que la section comprise entre les gares de Perrache et de Vaise fut banalisée, c'est à dire que les trains pouvaient circuler indifféremment dans l'un ou l'autre sens sur l'une ou l'autre des voies, et que de nouveaux quais furent aménagés un peu à l'écart de la gare de Perrache, mais reliées à elles par de nouveaux cheminements piétons pour éviter aux TER en provenance ou à destination de Saint-Etienne d'avoir a perdre du temps lors de manoeuvres de changements de sens sur le pont sur la Saône.




Ces quelques actions n'ayant pas suffi à régler le problème de l'engorgement récurrent du noeud ferroviaire lyonnais, un débat public avait été lancé au printemps 2019 pour proposer des solutions plus radicales : l'ajout de deux voies supplémentaires sur une dizaine de kilomètres entre l'ancienne gare de Saint-Clair et le secteur de la Guillotière et au delà sur les premiers kilomètres de la ligne vers Grenoble.

Ce qui était envisagé alors était soit de construire ces nouvelles voies en surface, soit de le faire en tunnel et de créer à l'occasion une gare souterraine à la Part-Dieu.

Le problème est que ces deux solutions sont bien évidemment fort coûteuses d'une part et très longues à mettre en oeuvre d'autre part. On parlait de travaux qui ne pourraient dans ces conditions démarrer avant une vingtaine d'années. Or, il n'était pas envisageable d'attendre aussi longtemps avant d'agir. Par conséquent, SNCF Réseau s'est rabattue sur un ensemble de 32 opérations à réaliser d'ici 2025 pour s'efforcer de gérer au mieux la situation et attendre d'hypothétiques décisions politiques et les financements qui vont avec.

Je ne vais évidemment pas toutes vous les citer mais rapidement revenir sur les 2 conséquences les plus visibles aux yeux des voyageurs à la gare de la Part-Dieu depuis ces dernières semaines.

Cette gare qui reçoit plus de 700 trains par jour est en pleine transformation. Elle avait été conçue à l'origine pour 35 000 voyageurs quotidiens et envoie désormais circuler plus de 100 000. Petite caractéristique particulière de la gare de la Part Dieu, c'est l'espace aménagé sous les voies qui fait office de bâtiment voyageur et outre aux usagers du train, elle sert aussi aux passants souhaitant se rendre d'un quartier à l'autre de la ville ou aller récupérer une correspondance de bus, métro ou tramway à l'une ou l'autre de ses sorties. Ils l'utilisent alors comme une simple rue piétonne, les mettant à l'abri des aléas climatiques puisque couverte. Pour son agrandissement, les travaux qui sont les plus importants de ceux engagés dans une gare française à l'heure actuelle ont été lancés en 2017 et ne devraient s'achever qu'en 2026. Parmi les transformations les plus visibles de la mue entamée, elle vient de se voir dotée d'une 12ème voie à quai, la « L ». Pas de quoi régler les problèmes d'engorgement que connaissent ses entrées nord et sud dont le nombre de voies restent insuffisant mais assez pour donner un peu plus de souplesse dans la gestion des trains en limitant le nombre de ceux devant attendre avant de trouver une place en gare. De nouveaux accès aux quais viennent d'être aménagés du côté sud de la gare ayant donné naissance à un nouveau hall d'entrée ainsi qu'à une nouvelle galerie bordée de commerces. A l'été 2024, une seconde galerie parallèle à celle-ci devrait être ouverte de l'autre côté de la gare.

D'autres chantiers plus techniques ont été réalisés ou sont en passe de l'être.

La première CCR de France, Commande Centralisée du Réseau a été mise en place à Lyon dans le courant des années 2010. Son aménagement est toujours en cours mais elle s'est d'ores et déjà substituée à bon nombre de postes d'aiguillage préexistants. Le principe d'un tel équipement est de réunir en un lieu unique toutes les commandes de tracés d'itinéraires ainsi que les fonctions liées à la régulation du trafic. A terme elles seront 16 réparties sur l'ensemble du territoire et remplaceront la plupart des 1500 postes d'aiguillage répartis un peu partout le long des voies. Autre chantier en cours actuellement à Lyon, une sous-station est en construction dans les emprises de l'ancienne gare de Saint-Clair. Sa mission sera d'assurer que suffisament de puissance électrique est disponible pour permettre aux trains qui en auraient besoin de tirer un peu plus de courant et ainsi de pouvoir rouler un peu plus vite pour résorber de potentiels petits retards. Cette sous station devrait être mise en service à la fin de l'année 2023.

Quant au RER à la lyonnaise, on en parle entre rhône et saône mais il n'est pas encore d'actualité

Certes quelques étapes préparatoires ont été franchies mais il reste encore beaucoup à faire. Des diamétralisations ont ainsi été établies, par exemple les trains circulant entre Ambérieu et Saint-Etienne ou ceux engagés entre Vienne et Villefranche-sur-saône, ne font plus que passer pour les premiers par la gare de la Part Dieu et les second par celle de Perrache, sans y faire leur terminus. Leurs horaires ont été cadencés à la demie-heure. Cependant de nombreux points de blocages subsistent. La Gare Jean Macé n'est par exemple par accessible aux trains desservant celle de la Part Dieu, les voies sur lesquelles ils circulent ne disposant pas de quais. La ligne de l'ouest lyonnais dont l'origine est la gare Saint-Paul est isolée du reste du réseau. Non seulement c'est un tram-train qui y circule mais qui plus est, pour circuler dans Lyon via le rail, il faut faire un long détour par l'Arbresle pour établir avec le tram-train une correspondance par le train. Il est plus simple pour les usagers de prendre le métro à la gare de Vaise pour rejoindre celle de Gorge de Loup où une correspondance est établie entre les deux modes de transport. Notons pour l'annecdote que bien que ressemblant à s'y méprendre à un tramway, ce matériel roulant est exploité comme le serait un train ordinaire. Il roule sur une ancienne voie ferrée tout à fait classique qui a conservé sa signalisation et d'autres attributs. Considérés comme des TER les tram-trains qui y circulent sont ainsi numérotés comme le sont les autres trains régionaux de la SNCF et annoncés par la voix de la célèbre Simone. Enfin et ce ne sera pas là le moindre chantier, qui dit RER dit titre de transport unique, or les TER sont aujourd'hui pilotés par la région Auvergne-Rhône-Alpes qui a mis en place la carte OURA pour faciliter les déplacements sur son territoire mais les transports en communs lyonnais le sont par le Sytral qui est une émanation de la métropole qui a déployé son propre système d'abonnement. L'un et l'autre servant à financer en partie le développement des moyens de transport régionaux. Il faudra aux deux entités trouver un terrain d'entente, dans un contexte ou en fonction des résultats des élections locales et régionales, les affinités politiques ne seront pas toujours alignées. Ce sera néanmoins le prix à payer pour faire oublier le n?ud ferroviaire lyonnais et ses engorgements récurrents et faire briller de nouveau l'étoile ferroviaire lyonnaise sur les branches de laquelle les trains circuleront enfin de façon beaucoup plus fluide.

Avez-vous eu déjà l'occasion d'emprunter les voies du noeud ferroviaire lyonnais ? D'arpenter les quais de la gare de la Part Dieu ou de celle de Perrache ? Peut-être êtes-vous un habitué d'une autre gare lyonnaise ? Je vous laisse me raconter tout ça en commentaire et je vous retrouve la semaine pour partager avec vous de nouvelles découvertes ferroviaires.

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