Jouef, toute une histoire
(Les 75 ans de la marque)
Jouef, toute une histoire (Les 75 ans de la marque)
Transcription :
Il ne vous a pas échappé que Jouef, fête cette année, ses 75 ans. Jouef, c'est un nom qui est intiment lié à celui d'une commune dans le Jura, Champagnole, je suis allé m'y promener en compagnie d'un ancien salarié de l'entreprise, Didier Mathey qui est aussi membre de l'association Jouef 39, à la recherche des traces encore très visibles laissées par l'épopée Jouef dans la ville.
Jouef à Champagnole, c'est toute une histoire, c'est d'ailleurs le titre du livre édité par l'association Jouef 39 qui s'efforce de faire vivre la mémoire de l'entreprise dans la commune.
L'histoire commence au sortir de la guerre, alors que Georges Huard un homme d'affaires parisien qui jusqu'alors commercialisait des jeux et des jouets en bois fabriqués dans le Jura crée Le Jouet Français. Son ambition, face à Hornby et JEP qui produisent des modèles réservés à une élite, vendre les trains-jouets les moins chers du monde. Cela passe par un changement d'échelle, les modèles de l'entreprise seront en HO, plutôt qu'en 0, c'est à dire, deux fois moins encombrants et la mise en place d'une politique commerciale innovante : les trains du Jouet Français seront proposés sous la marque Jouef et dans des coffrets. Une véritable révolution dans le secteur. Le premier modèle produit, est l'autorail Alger-Tombouctou. Pour la production de ses modèles, Georges Huard investit dans plusieurs usines. La première est installée à Foncine le Haut. C'est là que sera fabriquée la Diabolic, une locomotive à vapeur mue par un mouvement d'horlogerie, qui comme il se doit devait être remonté avec une clé. A partir de 1954, les locomotives sont dotées d'un moteur électrique dit saucisson, qui fonctionne en 6 volts. Un an plus tard, Jouef édite son premier catalogue. Le succès des produits de l'entreprise est fulgurant, et celle-ci doit investir dans de nouvelles usines et entrepôts. Ils le seront pour l'essentiel à Champagnole. Dans les années 70 Jouef emploie plus de 1200 personne dans tout le département du Jura. L'entreprise envisage même d'entrer en bourse. Mais avec l'arrivée sur le marché des jeux électroniques, les ventes de trains miniatures diminuent, et la décennie 80 se révèlera beaucoup plus difficile pour l'entreprise qui doit fermer des sites, licencier, et finalement déposer le bilan le 8 mai 81. S'en suivront différents repreneurs qui connaîtront des fortunes diverses, et l'arrêt définitif de la production à Champagnole en 2001, celle-ci étant délocalisée en Italie.
Comme beaucoup d'habitants de Champagnole Didier Mathey a travaillé quelques années chez Jouef, mais ses premiers souvenirs de l'entreprise datent de bien avant, de l'époque ou il était encore enfant, et ou une bonne partie de sa famille travaillant chez Jouef, il était de temps à autre convié à des ventes privées organisées par le Comité d'entreprise.
Ici, on a une petite porte blanche, sur le côté du mur et quand le comité faisait des ventes, on entrait par cette petite porte et là, c'était la caverne d'Ali Baba ! Quand je rentrais ici, il y avais des rayons et des rayons de trains électriques c'était phénoménal. Ça m'a fait rêver un nombre de fois !
C'est à l'usine A située un peu plus loin que Didier à travaillé. A son époque, toutes les petites usines disséminés dans les alentours étaient déjà fermées et toute la production avait été concentrée ici.
Le bâtiment par lui même, n'a pas tellement changé, à part qu'il faut enlever les grandes fenêtres vitrées, et puis le hall d'entrée jaune là-bas, sinon, le reste ça n'a pas trop changé. On voit bien trois bâtiments distincts, dans le premier je me souviens bien c'était l'accueil, dans le 2ème on avait la comptabilité et le bureau d'études, et le 3ème bâtiment au fond, c'était le bureau du directeur et du sous-directeur.
Didier travaillait sur les presses à injecter et était chargé de démarrer les séries. Le travail ne manquait pas surtout lorsqu'il s'agissait de lancer un nouveau produit. Il se souvient particulièrement bien du lancement de la fabrication du TGV Atlantique
La demande était telle, que l'on a travaillé en trois huit à l'injection, j'ai fais les nuits, j'ai moulé les caisses de la motrice. Je me souviens de la machine tout ça c'était un énorme moule, il fallait sortir les pièces à la main parce-que le nez de la motrice à l'époque était très difficile à démouler. J'ai travaillé de nuit pour faire les carrosseries de Tgv Atlantique. Je suis venu quelques samedis aussi pour faire les bogies aussi! Parce-que sur une rame TGV il y a x boggies, et il fallait fournir … on a eu travaillé des samedis.
Alors que nous faisons le tour du bâtiment avec Didier, nous tombons par hasard sur un autre ancien salarié de chez Jouef, Christian qui a passé quand à lui 28 ans dans l'entrepris en temps que responsable d'atelier.
J'ai travaillé chez Jouef avec 4 patrons différents, 4 sociétés différentes. On a connu les grands grands moments, les bons moments ou on avait une ambiance avec Jouef, puisque l'on avait monté des équipes, une AS Jouef, il y avait du football, il y avait du handball, il y avait du ski, il y avait du canoé, un petit peu tout ça, et après on a commencé à sentir un petit peu le gros boom, puisque l'on est passé deuxième entreprise derrière Solvay, quand on a touché les 1200 employés. Ensuite, on a connu les conflits, d'où les différents patrons. Je suis 100% Champagnolais, ce qui m'a amené à venir chez Jouef c'est que je sortais des études avec deux CAP de mécanique, donc je suis entré à l'entretien et ensuite par l'intermédiaire de l'usine, passé des petites étapes, chef, chef d'équipe, responsable d'atelier.
Non loin de la gare, un autre bâtiment témoin de la grande époque Jouef a aujourd'hui disparu. Didier a pu nous emmener le voir quelques semaines avant sa démolition.
La bâtiment que l'on voit là qui reste debout, ça fait parti des entrepôts, ce que l'on appelait l'entrepôt Jouef. Donc l'entrepôt il recevait toutes les fabrications des usines alentours et c'est ici que que l'on stockait, que l'on préparait les commandes, et c'est de là qu'elles partaient pour les clients. La partie qui reste debout actuellement, c'était le stockage, ensuite, derrière, ou vous avez la place nette c'était encore tout des bâtiments et dans ces bâtiments là c'était la réception, le départ des commandes et c'est ici qu'étaient fabriqués les fameux coffrets, les coffrets de départ que tout le monde à connu, c'était fabriqué ici. Il y avait une partie, un bâtiment qui était tout au fond, qui a été démoli aussi, c'était le service après-vente.
Dans les années 70, l'entrepôt disposait d'un embranchement particulier, d'ou partait un wagon par semaine. Les bâtiments arrivaient alors jusqu'au bord de la voie ferrée.
Le train arrivait comme ça, il avançait, et après on pouvait manœuvrer sur le tiroir à l'aide de cette aiguille. Ils ont encore gardé le levier là, pour guider le train sur le tiroir ou le long des quais.
Il nous reste encore un site à découvrir, celui d'une autre ancienne usine de la marque, un bâtiment qui pourrait presque laisser penser que Jouef est toujours présent à Champagnole.
Ici était fabriqué tout ce qui était matériel électrique. Les transformateurs, les bobines d'aiguillages, tout ça, avant que ça ferme, et les bancs d'essais, parce-que c'était sous-traité. Tout ce qui était matériel électrique c'était pas Jouef qui bobinait. Les transformateurs étaient réceptionnés, et tout était testé ici. Le montage des transfo aussi quand l'usine fonctionnait, le montage des transfos, le bobinage tout ça était fait ici. Tout ce qui touche à la partie électrique. Ce bâtiment, la ville l'a gardé, aujourd'hui il appartient à la communauté de communes et en l'honneur à Jouef, parce-que c'était une des plus grosses entreprises qui a fait travailler beaucoup de monde, sur le bassin Champagnolais, l'a rebaptisé « Le Jouef », en l'honneur de l'entreprise, donc c'est bien parce-que ça sauvegarde une partie du patrimoine et le souvenir de Jouef restera finalement. Ils l'ont bien restauré le bâtiment je trouve, il est joli. La conception, ils l'ont gardée, ils ont juste changé un peu le bardage, l'isolation tout ça, mais sinon, le reste, les fenêtres tout ça, c'était ça. Ils ont même gravé les barrières des balcons, c'est une belle recherche qu'ils ont fait, je trouve qu'il est bien joli, c'est un beau bâtiment.
Un autre gros travail de mémoire a été initié par l'association Jouef 39, qui a édité il y a quelques temps, ce livre intitulé Jouef, toute une histoire.
Les gens qui ont travaillé chez Jouef le disent, jamais ils n'ont trouvé une telle ambiance ailleurs. Donc, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a quelques années quelques salariés de chez Jouef se sont dit, ce serait quand même dommage qu'avec le temps, les souvenirs s'en aille et qu'on ne fasse rien. Donc on a re-créé une association qu'on à appelé Jouef 39, et on s'est dit, on va essayer de rassembler des témoignages, des archives et des photos et de faire un livre.
Un livre qui retrace l'histoire de Jouef, et présente de nombreux témoignages d'anciens salariés de l'entreprise, même si sa rédaction n'a pas toujours été très aisée
Il y a eu des langues qui ont été difficiles à dénouer, parce-que c'est vrai que quand il y a eu les dépôts de bilan tout ça, il y a beaucoup de couples, le mari et la femme qui ont travaillé chez Jouef, les deux ont été licenciés en même temps, donc beaucoup de gens gardent une certaine amertume et ces gens là, c'est difficile d'aller les trouver et de leur demander de témoigner. Mais avec le temps, et en prenant le temps de leur expliquer on a réussi à retrouver quand même ces témoignages.
L'association qui à l'origine devait se contenter de réunir d'ancien salariés de chez Jouef, a élargit depuis ses activité et ouvert une section modélisme ferroviaire qui se charge de l'entretien d'anciens réseaux que la marque utilisait pour présenter ses nouveautés sur les salons. Elle organise également en cette fin d'année 2019, une exposition à l'oppidum pour fêter les 75 ans de Jouef, les vendredi 27 et samedi 28 décembre, et ouvrira le samedi les portes de ses locaux qui se trouvent juste en face.
Le Chemin de Fer du Montenvers
Albert Faugeron
Le réseau HO
de l'Ecomusée du Cheminot Veynois
Le réseau "Ludopole"
Le réseau HO de Grégoire Porté
(Seilhac)
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