Les danseuses

de la SNCF

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Les danseuses de la SNCF

Transcription :

Elles ont roulé pendant plus d'un demi siècle pratiquement partout en France, du moins là où se trouvaient des lignes électrifiées, ces locomotives que l'ont appelait les BB Alstom, ont très vite été surnommées les danseuses par les mécaniciens qui en appréciaient guère le confort tout relatif. Si la dernière d'entre-elle a tiré sa révérence au mois de décembre 2020, c'est à dire tout récemment à l'échelle de leur histoire, ces machines a qui ont été confiées à peu près toutes les missions possibles ont longtemps été incontournables dans le paysage ferroviaire français. Mais plus que d'une série de locomotives, c'est d'une famille qui se compose d'environ 750 membres et se divise en 5 branches principales dont je vais vous parler aujourd'hui.

L'appellation BB Alstom recoupe en effet 5 différentes séries de machines qui ont néanmoins beaucoup de points communs et qui dérivent toutes les unes des autres. Alors pourquoi les mécaniciens ne les aimaient-ils pas ? Où a t'on pu les voir rouler ? Combien ont été préservées ? Je réponds à ces questions et à quelques autres encore dans ce nouveau numéro. Bonjour et bienvenue Aiguillages !

La commande de ces locomotives par la SNCF coïncide avec la période durant laquelle l'entreprise nationale a fortement poussé l'électrification de son réseau dans le Nord et l'Est de la France. Mais contrairement aux choix techniques qui avaient été fait pour équiper la région sud-est, ce n'est plus un courant continu de 1 500 volts qui circule au travers des câbles conducteurs de la caténaire, mais un courant alternatif de 25 000 volts. L'intérêt principal résidant dans le coût de déploiement beaucoup plus faible des équipements liés à l'exploitation de cette nouvelle tension. Ce changement de donne a conduit à la la conception d'un nouveau type de locomotives que je vous ai déjà présentées sur cette chaîne : les BB 12000 et 13000 ainsi que les CC 14000 et 14100 rebaptisées « Fers à repasser ». Les BB Alstom, dont je vais vous raconter l'histoire aujourd'hui, sont un peu les cousines de ces premières machines alimentées en 25000 volts monophasé, ce sont d'ailleurs les mêmes Louis Armand et Fernand Nouvion déjà à l'origine de cette première série qui au sein de la SNCF se penchent sur la planche à dessin pour les concevoir. D'un point de vue esthétique, la nouvelle série de machines s'écartera des fers à repasser, car si les premiers croquis esquissés laissaient envisager une nouvelle série de machines mono-cabine, cette option sera écartée notamment parce-qu'elle interdisait la circulation en Unités Multiples. Par ailleurs, toutes les locomotives appartenant à ces nouvelles générations ne se cantonneront pas au 25000 volts monophasé, contrairement aux différentes versions de fers à repasser.

Place donc à trois nouvelles générations de locomotives bi-cabines.

Les BB Alstom seront en effet commandées en trois vagues. Il y aura tout d'abord les BB 16500, elles constituent la première génération de ces machines, puis leurs descendantes les BB 17000, les BB 8500, les BB 25500 et enfin les BB 20200. Quant à la 3ème génération, elle sera constituée d'une nouvelle série de BB 8500 et de BB 25500 toutes deux légèrement modifiées par rapport à celles de la première génération, et qui arriveront un peu plus tard. Si l'on se réfère à leur numérotation, cela fait donc cinq séries distinctes de locomotives qui ont néanmoins plusieurs caractéristiques en commun. Toutes, ont été construites sur le même châssis, toutes disposent du même double rapport d'engrenage qui limite leur vitesse dans un premier temps à 90 km/h puis à 100 km/h pour les trains de marchandises, ce que l'on appelle la Petite Vitesse, ou 140 km/h pour les trains de voyageurs, vous l'aurez devinez, cette option s'appelle la Grande Vitesse. Toutes avaient été conçues pour atteindre les 150 km/h, mais autre caractéristique commune don elles se seraient sans doutes bien passées, toutes étaient dotées d'un très mauvais système de suspension qui leur vaudra leur surnom de danseuses, et cette réduction de leur vitesse maximale autorisée. Enfin toutes étaient dotées de la capacité de circuler en Unités Multiples, c'est à dire deux par deux, et de la réversibilité, c'est à dire d'être commandées depuis une voiture pilote dotée d'une cabine de conduite, située à l'autre extrémité de la rame.

Mais commençons par les machines qui furent produites et de loin dans le plus grand nombre d'exemplaires, les BB 16500.

Cette série vit circuler un total de 294 machines construites entre 1958 et 1964. Elles portent les numéros BB 16501 à 16794. Ces machines consistent en une version simplifiée et améliorée des BB 12000. Par exemple si ces dernières étaient dotées de 4 moteurs, un par essieu, leurs descendantes n'en n'avaient plus que 2, un par bogie, un concept que la SNCF qui y gagne au passage en coûts de maintenance, appellera « bogie-moteur ». Deux machines issues de cette série seront un temps transformées pour servir de prototype. D'abord la BB 16540 qui fut dotée d'équipements lui permettant de circuler également sous 1500 volts courant continu et qui le temps de cette transformation sera renumérotée BB 20004, mais aussi la BB16655, un temps transformée en CC 10002 étant dotée de deux bogies triple essieux pour servir à la mise au point de ceux qui équiperaient plus tard les CC 40100, 72000, 6500 et 210000. Une fois les campagnes d'essais de ces deux locomotives terminées, elles rejoignirent les rangs des BB 16500, reprenant leur numérotation d'origine et le cours normal de leur carrière. Durant plus de 40 ans, cette première génération de machines sera affectée en UM à des trains lourds de marchandises, mais également à des omnibus, ou à des trains de banlieue. A partir de 1978, on les verra circuler en tête des rames réversibles RIO achetées par la région Nord-Pas-de-Calais. En île-de-France, certaines d'entre-elles termineront leur carrière en tête d'autres types de rames réversibles : les RIO, RRR ou VR2N. Les dernières machies de cette série seront retirées des effectifs en 2011.

Entre temps à partir de 1964 sont mises en service des locomotives appartenant à une deuxième génération de BB Alstom, parmi elles : les BB 17000.

Celles-ci seront produites à 105 exemplaires. Il s'agit de machines dérivées des 16500 mais en plus puissantes. Elles seront notamment affectées à la ligne Paris-Rouen-le-Havre qui vient alors d'être totalement électrifiée, mais on les verra également à l'oeuvre sur le réseau nord et la banlieue parisienne. Comme les BB 16500, elles sont mono courant, uniquement aptes à des circulations sous 25000 volts monophasé.

Il en va autrement de la série des BB numérotées 8500 qui elles sont conçues pour les lignes du Sud-Est de la France alimentées en 1500 volts continu.

Elles seront construites entre 1964 et 1974 à 146 exemplaires. Elles remplacent dans un premier temps d'anciennes locomotives électriques toujours en service bien que datant pour certaines des années 1920, puis pour celles numérotées à partir de 8537, ayant la caractéristique d'être légèrement plus puissantes que les précédentes, elles se substituent progressivement aux 2D2. Elles se feront plus rares sur les trains de voyageurs à partir de 1976, étant remplacées à ce service par des BB 7200, et se cantonneront le plus souvent en UM à des trains de marchandise, la puissance de deux de ces machines étant équivalente à celle d'une CC6500, ou seront affectées en solo cette fois ci à des rames réversibles. Une 30 aine d'entre elles seront transformées en BB 88500 et deviendront des locomotives dédiées aux manœuvres, une 12 aine d'autres en BB 8700 qui seront affectées à la pousse des trains de marchandises en Maurienne ou de pèlerins vers Lourdes. Deux autres enfin, seront transformées en chasse neige et basée à Toulouse, où elles existent toujours. Il faut dire que ces locomotives étaient tellement inconfortables pour leurs conducteurs qu'un règlement a fini par interdire à ceux-ci de parcourir plus de 150 km à leur bord, d'où leur cantonnement à des services de manœuvre ou de pousse où l'on atteint pas ces distances.

Les danseuses ont cependant existé également sous la forme de deux autres séries à commencer par les BB 25500.

Ce sont à quelque chose près les sœurs jumelles des précédentes, sauf leurs équipements électriques qui en font des locomotives bi-courant. L'électrification des lignes ferroviaires avançant à grands pas, de plus en plus de points de contacts entre des secteurs équipés en 25000 volts étaient établis avec des lignes alimentées en 1500 volts. Pour passer de l'une à l'autre, la SNCF avaient besoin de locomotives capables des même performances sous l'une ou l'autre des tensions. La puissance des BB 25500 était supérieure à celle des 16500. A partir de la BB 25588, leur châssis fut légèrement allongé pour aménager plus d'espace à l'intérieur de la cabine de conduite. Cette série connaîtra elle aussi une intense activité au crochet de rames réversibles, qu'il s'agisse de RIB, de RIO, de RRR ou de VB2N sur la banlieue vers Versailles. La dernière de ces machines, qui sera aussi la dernière des danseuses encore en service, sera retirée de la circulation en décembre 2020.

Enfin dernière série dans la famille des danseuses, les BB 20200, qui ressemblent encore une fois beaucoup aux précédentes, mais s'en différencient par le fait qu'elles quand à elles sont bi-fréquence.

Il s'agit de machines capables de circuler sous deux types de courants monophasés : le 25000 volts 50 hertz tel qu'il est pratiqué en France, mais aussi le 15000 volts 16 hertz 2/3 que l'on rencontre en Allemagne et en Suisse. Ces locomotives étaient destinées à circuler dans l'est de la France et à entrer en Allemagne ou dans le triage de Bâle en Suisse. La SNCF a longtemps contourné le problème en ayant recours à des locomotives à vapeur puis diesels, sur ces relations, mais la Suisse a fini par interdire la circulation des engins ferroviaires polluants, en milieu urbain, sur son territoire. Dans un premier temps la SNCF affecta à ce service 4 prototypes construits en Suisse, mais leur grande hétérogénéité, et leur manque de fiabilité poussa l'entreprise nationale à renoncer à les exploiter et à lancer la création de cette dernière série de machines directement dérivées des BB 17000, et ne se différenciant d'elles une nouvelle fois, que par leur équipement électrique. Ces machines ayant un usage bien spécifique ne seront par conséquent produites qu'à 13 exemplaires.

Vous l'aurez compris, ce ne sont pas leurs conducteurs qui les regretteront, mais seulement les amateurs et ils sont probablement assez nombreux, mais alors que reste t'-il des danseuses ?

Leurs circulations régulières sur le réseau ferré national sont définitivement interrompues. Il ne reste que les deux chasses-neige basés à Toulouse qui peuvent encore s'aventurer sur les voies de la SNCF. Pour le reste et pour voir encore des locomotives issues de ces différentes séries en action, il faut se rendre en Roumanie où un certain nombre d'entre elles ont été vendues, ou se tourner du côté des structures de préservation. La BB 16506 est entre les mains du CMCF, le Centre de la Mine et du Chemin de Fer de Oignies, près de Lille, où elle est entretenue en état de marche et en attente d'obtenir les documents nécessaires à son retour sur les rails en tête de trains spéciaux. Dans la même série la BB 16745 est garée sous la rotonde de Mohon qui sert de réserve à la Cité du train, et la ville de Magenta préserve la 16678 sous forme de monument public exposée sur un rond point. Cette machine a été restaurée avec l'aide de l'ARCET qui conserve par ailleurs deux locomotives diesels en vue de les faire rouler en tête de trains spéciaux sur le réseau ferré national. De la série des BB 8500, il reste la 8616 qui est également stationnée à Mohon. Dans celle des 17000, la numéro 13 est préservée au même endroit, mais la numéro 16 est entre les mains de l'AAPSL, l'Amicale des Agents de Paris Saint-Lazare, et elle a pu être placée en tête de son premier train historique en décembre 2022. D'autres voyages sont à venir. Du côté des 25500, la 609 est exposée à la Cité du train, et les 639 et 660 ont été confiées à l'APPCC 6570 à Avignon, la seconde a dores et déjà été remise en service en tête de train spéciaux, la première devrait suivre le même chemin.

Si vous êtes encore là, c'est que ce sujet vous a intéressé, merci de votre fidélité, en complément, je vous recommande cette autre vidéo dont je vous ai parlé au début de celle-ci, elle est consacrée aux Fers à Repasser de la SNCF un sujet étroitement lié aux danseuses comme vous l'aurez compris. Mais vous avez-vous des souvenirs liés à ces machines que l'on pouvait encore observer dans nos gares jusqu'en décembre 2020. Peut-être en avez-vous conduit certaines ? Etaient t'elles aussi inconfortable qu'on le dit ? Je vous laisse me raconter tout ça en commentaires et vous retrouve avec grand plaisir la semaine prochaine pour partager avec vous de nouvelles découvertes ferroviaires.






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