Les ficelles
une spécialité lyonnaise !
Les ficelles une spécialité lyonnaise !
Transcription :
En route pour une 17e saison !
A Lyon, il existe un moyen de déplacement sur les rails pour le moins original et néanmoins parfaitement intégré au reste du réseau de transports publics de la ville. Il s'agit des ficelles. Une véritable spécialité locale puisqu'on en a compté jusqu'à cinq établies entre Rhône et Saône. Ficelle, c'est le surnom que les Lyonnais ont donné à ces drôles de chemins de fer tirés par un câble quand ils ont fait leur apparition dans la ville. C'est du reste ici que ce mode de transport a été utilisé pour la première fois au monde en milieu urbain.
L'une des lignes établies au tout début du 20e siècle et qui pourrait peut-être un jour renaître de ses cendres avait d'ailleurs une vocation assez particulière ...
Si la longueur du parcours de celles qui subsistent reste modeste, de l'ordre de quelques centaines de mètres seulement, les habitants du quartier, les scolaires mais aussi les touristes sont bien heureux de les trouver pour éviter d'avoir à se mesurer aux très sévères raidillons conduisant au sommet de la célèbre et très fréquentée colline de Fourvière.
Sur cette chaîne, je vous proposerai tout au long de cette nouvelle saison un jeudi sur deux des reportages dédiés à l'exploration du monde ferroviaire dans toutes ses dimensions.
Je m’intéresserai à absolument tout ce qui roule sur rails et vous proposerai des petites histoires, mais aussi des visites de sites ferroviaires, des balades urbaines comme celle d'aujourd'hui ou encore des sujets liés à l'actualité du monde des transports sur rails.
Et je vous retrouverai également en début de semaine pour parler modélisme et patrimoine ferroviaire, mais pour l'occasion sur la chaîne Aiguillages – Les Rendez-vous du Lundi.
Vous faire connaître, mieux comprendre et aimer le train, telle est ma mission.
Vous êtes partant ?
Alors bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
Pour emprunter une ficelle, il faut se rendre dans le quartier du vieux Lyon. Les deux lignes qui fonctionnent toujours ont en effet un terminus commun à deux pas de la cathédrale Saint-Jean et font correspondance avec la ligne D du métro. Identifiées sous les numéros F1 et F2, leurs chemins se séparent très vite formant un V la première ligne s'éloignant en direction du quartier Saint-Just, la seconde aboutissant au pied de la basilique de Fourvière.
Alors laquelle choisir pour commencer cette mini-exploration urbaine ?
Je vous propose d'opter pour la F1. C'est la première qui s'est lancée à l'assaut de la colline de Fourvière, c'est aussi la plus longue de toutes celles qui ont existé et elle présente la caractéristique particulière d'être dotée d'une station intermédiaire située à mi-parcours, mais ce n'est pas là sa seule originalité. Inaugurée le 14 juillet 1878, sa vocation était d'établir une communication plus aisée entre la ville de Lyon et les communes de sa périphérie Ouest. La gare supérieure construite dans le quartier de Saint-Just étant aussi à l'époque le terminus de nombreuses lignes de tramways irriguant les communes de l'Ouest lyonnais. Si le tunnel dans lequel elle s'engage très vite est étonnamment large, c'est que dans un premier temps, la ligne fut établie à double voie et à écartement standard. La compagnie qui a déposé la première demande d'exploitation souhaitant d'ailleurs plutôt construire un chemin de fer à crémaillère, projet qui fut rejeté par le département qui avait à l'époque la charge d'accorder les concessions. L'entreprise se rabattit par conséquent sur la construction d'une ligne de funiculaire.
Mais cette contrainte allait engendrer des difficultés supplémentaires.
Comme cela se voit très bien aujourd'hui encore lorsque l'on emprunte cette ligne, la pente n'est pas la même de part et d'autre de la station intermédiaire, il fallut imaginer une solution technique pour pallier cette spécificité. A l'arrivée à la station des Minimes une voiture supplémentaire ne parcourant la ligne que sur sa partie inférieure, la plus pentue, était attachée ou détachée des convois. Cela permettait de compenser la différence d'effort de traction à fournir sur chacune des deux sections et de rééquilibrer les charges entre les deux rames. Si cette solution avait le mérite de fonctionner, et d'augmenter la capacité des trains engagés sur la partie inférieure de la ligne, ces voitures supplémentaires pouvant accueillir des passagers, elle compliquait considérablement l'exploitation. C'est pourquoi, au détour d'un changement de concessionnaire, des travaux furent menés pour transformer la ligne en chemin de fer à crémaillère à voie métrique. L'idée du nouvel exploitant la F.O.L (Compagnie du Fourvière-Ouest-Lyonnais) étant de faire transiter certains de ses tramways par le tunnel. De nombreux essais de différents types de matériels roulants se soldant à chaque fois par des échecs,
voire des déraillements
mirent fin à cette ambition. Pire, ils engloutirent toutes les capacités financières que la F.O.L pouvait consacrer à ce projet et finirent par provoquer sa disparition et son remplacement par l'OTL (Compagnie des Omnibus et Tramways de Lyon) qui tentera la même opération sans beaucoup plus de succès avant de se lancer dans la modernisation de la ligne dans les années 30 pour en poursuivre l'exploitation sous la forme d'un chemin de fer à crémaillère classique. À l'aube des années 60, la ligne étant devenue vétuste, il fallut songer à y réaliser de nouveaux travaux. Après avoir un temps envisagé de la transformer en un axe routier, il fut finalement décidé de revenir à une bonne vielle ficelle.
Depuis d'autres travaux et d'autres transformations ont été réalisés pour arriver à la ligne F1 telle qu'on la connaît aujourd'hui.
La différence de pente est toujours présente et les conséquences de son existence se font toujours sentir, en particulier à la station intermédiaire dite des « Minimes », qui porte le nom d'un ordre religieux qui s'est installé ici au milieu du XVIe siècle. Malgré une nouvelle machinerie installée en 1995 doublée d'un vérin dont le rôle est toujours de compenser la différence d'effort supporté par les trains montant et descendant en amont et en aval de la station intermédiaire, un petit effet de rebond provoqué par le câble est toujours ressenti par les passagers et bien visible lorsque l'on observe l'arrivée des trains en gare.
Aller, encore une curiosité ! À la station intermédiaire, la destination desservie par les quais est inversée à chaque passage des rames.
Cela est dû à la nature même de l'exploitation d'une ligne de funiculaire. Les trains circulant toujours sur la même voie, et se croisant toujours du même côté, à la hauteur de l'évitement, les voies de gauche et de droite accueillent alternativement une rame montante ou une rame descendante. Moralité pour être sûr de ne pas attendre trop longtemps, mieux vaut consulter les affichages pour se positionner sur le bon quai en fonction de sa destination. Les trains sont constitués de rames dites « Saint-Just », c'est dire qu'elles sont assez uniques en leur genre. Elles ont été construites en Suisse et sont en service ures. L'exploitation de la ligne est gérée par un automate, mais un conducteur est néanmoins présent en cabine pour assurer l'ouverture et la fermeture des portes.
Rien de tel pour découvrir la ligne que de la parcourir dans son intégralité, mais histoire de faire un peu de tourisme, je vous conseille de faire comme moi et de revenir ensuite à la station des Minimes.
Juste en face de sa sortie, vous découvrirez les vestiges du théâtre antique de Fourvière. Adossé à la colline du même nom, il fut construit sur le replat des Minimes, il y a environ 2000 ans. Vous en apprendrez beaucoup plus à son propos en le parcourant et en visitant le musée Lugdunum, une petite balade qui vous conduira directement au pied de la basilique de Fourvière où arrive la deuxième ligne de funiculaire toujours en activité dans la ville. Mais juste avant de l'emprunter, je vous propose de partir sur les traces de la 3e ligne de funiculaire qui aboutissait non loin de là.
Oui, celle dont la vocation était très particulière et qui pourrait peut-être renaître de ses cendres.
Alors de quoi s'agissait-il ? Sur la colline de Fourvière, se trouve l'équivalent Lyonnais du Père Lachaise : le cimetière de Loyasse. Mais son accès est difficile. Pour y parvenir, il faut contraindre à gravir de fortes pentes des calèches tirées par des chevaux. Celles-ci transportant tant les visiteurs occasionnels du cimetière, que ceux qui le rejoignent pour l'éternité. La Société du Chemin de fer de Lyon-St.Paul à Fourvière et Loyasse fut créée en 1896. Son ambition était d'offrir un accès beaucoup plus aisé au site. En construisant un funiculaire à double voie normale dont la gare de départ toujours visible de nos jours était située près de la gare de Saint-Paul, et un tramway électrique à voie métrique pour prendre le relais une fois arrivé au sommet. L'un et l'autre disposant d'un wagon spécial réservé au transport de marchandise
et de cercueils, mais oui ...
Pour cette raison, le funiculaire fut vite rebaptisé la « Ficelle des morts » et le train « le Tramway des Macchabées ». La ligne fut inaugurée en 1900. Malheureusement, elle ne sera jamais très fréquentée et ne connut jamais la rentabilité. Elle tombera dans l'escarcelle de la F.O.L, rachetée à son tour par l'OTL, mais rien n'y fit. À Noël 1937 après avoir connu comme chaque année sa seule pointe annuelle de trafic...
le jour de la Toussaint…
Le funiculaire cessera définitivement de fonctionner, suivi deux ans plus tard dans son funeste destin par la ligne de tramway. On peut toujours accéder aujourd'hui à l'ancien terminus où funiculaire et tramway faisaient correspondance, et aller se balader à pied jusqu'au cimetière de Loyasse en passant par l'ancien viaduc que la ligne empruntait. Le site s'appelle « Le jardin des hauteurs ». Le tunnel existe toujours même si ses accès ont été murés, et une petite expérience amusante à faire est de se rendre à l'emplacement où se trouvait la gare du bas. Vous saurez que vous êtes au bon endroit lorsque vous sentirez l'odeur d'humidité et le petit courant d'air frais si caractéristique des ouvrages d'art souterrains.
Pour terminer cette petite incursion dans le passé, deux mots quand même des deux autres ficelles qui ont existé à Lyon.
Elles étaient situées sur la seconde colline que compte la ville. La plus ancienne, qui fut d'ailleurs la première au monde à être inaugurée en milieu urbain, reliait le bas des pentes au plateau de la Croix-Rousse d'où elle établissait une correspondance avec des trains de la ligne de Lyon-Croix-Rousse à Trévoux. Je vous ai raconté cette histoire dans une autre vidéo que vous trouverez sur la chaîne, elle s'appelle : la Compagnie du Chemin de Fer de la Croix-Rousse à Sathonay. Exploitée de 1862 à 1967, elle fut transformée ensuite en tunnel routier. La dernière des cinq ficelles qui fonctionnèrent un temps simultanément dans la ville, assurait la relation entre un quartier de Lyon situé derrière l'hôtel de ville et l'opéra et le plateau de la Croix-Rousse. Son parcours a été prolongé depuis et elle revit aujourd'hui sous la forme de la ligne C du métro de la ville, après que la partie pentue de son parcours ait été transformée en crémaillère. De cette ligne-là, je vous reparlerais, car elle fête en 2024 les 50 ans de son premier tronçon sous cette nouvelle forme d'exploitation, et les 40 ans de son prolongement jusqu'à son terminus actuel de Cuire.
Mais il est temps de revenir au moment présent et sur nos pas pour rejoindre l'esplanade de Fourvière.
Ce lieu est l'un des plus fréquentés de la ville sur laquelle il offre un très large panorama. On aurait pu y arriver directement en empruntant la ligne F2, que l'on ne testera de ce fait que dans le sens de la descente histoire de réaliser une petite boucle pour mieux découvrir le quartier. Avec ses seulement 427 mètres de long, c'est la plus courte des lignes de transport en commun du réseau lyonnais actuel. Elle permet néanmoins de s'affranchir d'un dénivelé de 116 mètres entre ses deux terminus. Mise en service en 1900, sa plus forte rampe est de 31 %, elle n'a jamais cessé de fonctionner en dehors de quelques périodes plus ou moins longues de travaux de modernisation, la dernière remontant à l'année 2018. Pour ce qui est des curiosités qu'elle donne à observer sa machinerie est directement visible dans la station supérieure, et son écartement métrique à l'origine a été porté à 1 m 330 soit une valeur tout à fait exotique dans le monde ferroviaire, à la faveur de l'un des chantiers de rénovation qu'elle a eu à subir au fil du temps. Cette opération-là date de 1970.
On estime à plus de 2 millions, le nombre de visiteurs qui se rendent chaque année sur la colline de Fourvière, alors bien sûr tous n'empruntent pas les lignes F1 ou F2 ...
Mais certains jours aux heures de pointe, les deux lignes de funiculaires frisent la saturation, la circulation routière peut s'avérer également très délicate dans le quartier du fait des nombreux bus de tourisme qui tentent de s'approcher au plus près de la basilique et de stationner à proximité. Cette situation a conduit des habitants des quartiers concernés ainsi que des résidents du vieux Lyon à émettre l'idée d'une remise en service de l'ancienne ficelle de Saint-Paul à Fourvière dont les infrastructures à commencer par le tunnel sont toujours existantes.
Pour l'heure, le projet n'a pas abouti, mais ce n'est pas tant pour des raisons financière, mais parce-qu'il se heurte à la difficulté de trouver une solution pour stocker près de la gare de départ les nombreux bus qui amèneraient les touristes.
Mais il a été suffisamment pris au sérieux pour faire l'objet d'études de faisabilité et d'un chiffrage. Le budget pour une telle renaissance a été estimé à 30 millions d'euros. Pour l'heure, cette étude a été laissée de côté, mais les partisans de la renaissance de ce 3e funiculaire dans la ville sont bien décidés à continuer à plaider cette cause. Comme quoi les ficelles sont bel et bien une spécialité lyonnaise que vous ne connaissiez peut-être pas.
À Paris, il n'y a pas de ficelles, et au risque de vous décevoir le funiculaire de Montmartre n'en est en réalité pas un, mais plutôt un ascenseur incliné. En revanche, il y a de nouvelles lignes de métro et de RER que j'ai testé dans cet autre reportage que je vous propose de voir où revoir avant que l'on ne se retrouve dans une quinzaine de jours autour de nouvelles découvertes ferroviaires.
Visite de l'usine CAF
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