La Grande Vitesse Ferroviaire

dans le monde

Plein écran cliquez ici

(ou appuyez sur la touche Entrée de votre clavier)

La Grande Vitesse Ferroviaire dans le monde

Transcription :

Selon l'Union Internationale des chemins de fer on parle de grande vitesse sur rails dès lors qu'un train roule à au moins 200 Km/h sur des lignes standards adaptées, c'est à dire qu'au minimum on en a supprimer les passages à niveau, ou au moins 250 km/h sur des infrastructures spécialement conçues pour ça. Mais alors quels sont les pays concernés ? Où roule t'on le plus vite sur les rails ? Comment tout cela a t'il été rendu possible ? C'est ce qu'on voit dans ce nouveau numéro Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

Pour les chemins de fer tout à commencé, il y a tout juste deux siècles en Grande-Bretagne où ce moyen de transport est né officiellement en 1825. Les premiers trains étaient bien modestes. Ils étaient constitués de quelques wagonnets que l'on attelait à la sortie des mines à des chevaux. Mais très tôt, on a commencé à envisager le transport de voyageurs et cherché à augmenter la vitesse pratiquée. Pour ce faire, il fallait substituer aux animaux, des machines et à l'époque celles-ci fonctionnaient grâce au charbon que l'on brulait pour chauffer de l'eau et produire de la vapeur que l'on envoyait dans des pistons afin de provoquer un mouvement. Dans le cas des locomotives les pistons servaient à faire se déplacer une autre pièce métallique, appelée bielle qui étant attachée en un point particulier d'une roue en provoquait la rotation. La première de ces machines qui est passée à la postérité est la Rocket conçue par George Stephenson et son fils Robert. A l'époque en Grande-Bretagne on organisait déjà des courses de vitesse sur rails. La plus fameuse d'entre-elles s'est déroulée à Rainhill sur la ligne Liverpool-Manchester qui était en voie d'achèvement. L'objectif était de choisir la locomotive que la compagnie achèterait pour la placer en tête de ses trains une fois la relation inaugurée. C'est la « Rocket », « la fusée », en français dans le texte qui a gagné ce concours, roulant à une moyenne tenez-vous bien de 20 km/h et réalisant des pointes à près de 48 tout de même ! La grande vitesse de l'époque. Un peu plus d'un siècle plus tard, une autre machine anglaise, une « Mallard », la classe A4 N° 4468 pulvérisa le record du monde de vitesse sur rail par une locomotive à vapeur, en atteignant les 203 km/h. Si cette machine est toujours détentrice de ce record dans sa catégorie, à partir du début du XXe siècle c'est plutôt grâce aux tractions électriques ou thermiques que de nouveaux paliers de vitesse on été franchis. On doit a l'Allemagne plusieurs records du monde de vitesse sur rail. La palme de l'engin le plus original auteur de l'un d'entre-eux ? Elle revient au « Schienenzeppelin », un nom que l'on pourrait traduire par « dirigeable sur rails » et c'est vrai qu'à bien y regarder, il y ressemble beaucoup. Celui-ci, propulsé par une hélice atteint les 230,2 Km/h en 1931. Il conservera son titre pendant près d'un quart de siècle avant que la SNCF ne signe ceux de 1954 en Bourgogne et 1955 dans les Landes, respectivement établis à 243 et 331 km/h. Mais avant de pouvoir entrer véritablement dans l'ère de la grande vitesse sur rail, c'est à dire la pratiquer couramment en vitesse commerciale, il allait falloir relever un certain nombre de défis technologiques. Ils concernent la motorisation donc les locomotives, mais aussi l'infrastructure et la signalisation.

Concernant la motorisation certaines approches ont envisagé l'utilisation de turbines à gaz. C'est le cas du prototype du TGV Français, le TGV 001 mais, conséquence des chocs pétroliers du début des années 70 cette piste fut abandonnée. De nos jours, tous les trains à grande vitesse dans le monde ont recours à une alimentation électrique en courant alternatif à tension élevée de 15 000 ou 25 000 volts selon les pays. Autre point de divergence, le traitement de l'effort de traction qui peut être soit concentré sur les motrices, soit réparti sur l'ensemble de la rame. Dans le premier cas, tous les équipements de traction sont rassemblés dans des éléments placés aux deux extrémités du train, des locomotives. L'avantage de cette approche est qu'il est possible les échanger assez facilement. C'est celle adoptée pour toutes les générations de TGV construits par Alstom. Une disposition qui permet de constituer des rames dont les remorques adjacentes se partagent un même bogie, ce qui a pour conséquence de réduire l'espace entre elles et d'offrir une beaucoup plus forte résistance en cas de déraillement en empêchant que le train ne se couche ou ne se mette en accordéon. L'avantage de la motorisation répartie est de pouvoir se passer de locomotives, une simple cabine de conduite suffisant. L'intégralité des équipements techniques est en effet dispersée sur l'ensemble de la rame, le plus souvent dans son plancher. Dans ce type d'agencement, des passagers peuvent prendre place dans les éléments situés aux extrémités des convois, qui ne sont pas encombrés par de multiples installations techniques. C'est l'approche retenue par exemple pour les automotrices à grande vitesse de type ETR, conçus par Ansaldo Breda et Bombardier pour Trenitalia. Connus sous le nom commercial de « Frecciarossa »,  ou « Flèches rouges » ces trains circulent désormais aussi en France depuis l'ouverture à la concurrence sur le marché de la grande vitesse sur rail, entre Paris et Lyon, Paris et Marseille, et au-delà vers leur pays d'origine : l'Italie. Pour ce qui est de l'infrastructure, toutes les lignes à grande vitesse présentent des caractéristiques techniques communes. L'écartement des voies qui doit être au minimum au standard de 1 m 437. En effet, plus la vitesse augmente et plus les forces latérales que les roues exercent sur les rails sont importantes. La seule manière d'y faire face c'est de disposer d'une largeur de voie suffisante pour bénéficier d'une plus grand stabilité. Pour empêcher l'effet centrifuge de se produire, vous savez cette impression que l'on a quand on se trouve à bord d'un véhicule qui prend un virage de s'en sentir éjecté, le rayon minimal des courbes doit être le plus grand possible. Car plus la vitesse augmente, plus cet effet se fait sentir. Voilà pourquoi, les TGV circulent pour l'essentiel de leurs parcours sur de très longues lignes droites. En revanche, les ingénieurs ont cherché à générer et profiter d'un autre phénomène physique : l'énergie cinétique. Il s'agit de la force qu'un véhicule circulant à vitesse élevée accumule en se déplaçant. Elle est d'autant plus grande que sa masse est conséquente. Vous en profitez un peu lorsque vous êtes au volant de votre voiture et que sur la route une montée se présente après une descente. Dans les premiers mètres de la côte, votre véhicule poursuit sur sa lancée avant de commencer à perdre de la vitesse. Pour un train, c'est la même chose, sauf que son poids est sans commune mesure avec celui de votre voiture. Un TGV, pèse plus de 400 tonnes. La force cinétique qu'il accumule dans les descentes lui permet de franchir les rampes qui suivent en étant poussé par sa propre masse, sans que le conducteur n'ait besoin d'appuyer sur l'accélérateur, donc en limitant sa consommation électrique. Les lignes à grande vitesse présentent par conséquent une succession de pentes et de rampes très sévères pour un train en temps ordinaire, mais qui dans le contexte de la grande vitesse sur rails s'avèrent être un atout. Puisque l'on parle de l'alimentation électrique, un autre phénomène physique est venu embêter les ingénieurs qui cherchaient à faire rouler des trains de plus en plus vite. Le frottement du pantographe par lequel une locomotive capte le courant sur la caténaire qui est le fil suspendu au-dessus des voies ferrées, par lequel il arrive provoque un effet d'onde. Le principe est un peu le même que dans le domaine de l'aviation. Lorsqu'un avion atteint et dépasse la vitesse du son qui est une onde qui se propage dans l'air, cela provoque un grand boum que l'on peut entendre à des kilomètres à la ronde. Ici, le risque est que le train rattrape et dépasse l'onde que son pantographe produit sur la caténaire, ce qui aurait pour conséquence dans un premier temps de rendre la capture du courant aléatoire. Le fil se déformant, le pantographe ne le toucherait plus que de façon intermittente au lieu de le frotter de manière continue, et notre affaire se terminerait également par un grand boum annonçant la rupture de la caténaire. Pour l'éviter, sur les lignes à grande vitesse celle-ci est donc plus tendue que sur les lignes classiques, ce qui permet à l'ondulation de se propager à une plus grande vitesse pour qu'elle ne puisse pas être rattrapée par le train qui l'a génère. Autre domaine dans lequel les lois de la physique se rappellent au bon souvenir des ingénieurs concevant des lignes à grande vitesse : les ouvrages d'art. Ceux-ci font l'objet d'attentions particulières, notamment les tunnels pour limiter les effets de la pression aérodynamique. Quand il entre dans un tel ouvrage d'art un train agit comme un piston. Il pousse l'air devant lui. A la sortie il aspire celui qui est resté derrière. Les variations de pression à l'extérieur du train se transmettent à l'intérieur si celui-ci n'est pas suffisamment étanche, d'où la sensation de pression dans les oreilles que les passagers peuvent ressentir. Enfin, au-delà de la vitesse de 200 km/h, c'est la vision du conducteur qui est impactée. La signalisation latérale devient difficile à percevoir, c'est pourquoi sur les lignes à grande vitesse elle est remplacée par un système de transmission d'informations entre le sol et le train qui se fait par le biais de balises ou d'ondes radio. Un sujet que j'ai développé dans un autre numéro d'Aiguillages, consacré au déploiement de l'ERTMS qui la ligne à grande vitesse Paris-Sud-Est l'automne dernier. Il résulte de ces différentes contraintes que la grande vitesse sur rails doit se pratique dans un environnement dédié, aussi isolé du reste du monde extérieur que possible par un ensemble de clôtures prévenant toute perturbation extérieures, à commencer par une pénétration humaine ou animale. La plupart de ces grands problèmes ayant trouvé des réponses à la suite des nombreux essais et records réalisés jusque dans le milieu des années 50 par les grandes entreprises ferroviaires, il restait à passer à la pratique. Ce que le Japon sera le premier pays à faire au monde.

Ainsi dans la perspective des Jeux-Olympiques de Tokyo est né le Shinkansen, ce qui veut dire « Nouvelle ligne principale » et qui sert à désigner à la fois l'infrastructure et les trains qui y circulent. La première de ses liaisons a été inaugurée en 1964, elle relie deux des principales villes du pays, distantes d'un peu plus de 500 km : Tokyo et Osaka. Même si à l'origine la vitesse pratiquée n'est que de 220 km/h le Shinkansen introduit d'importantes innovations techniques qui poseront les bases de la grande vitesse sur rails. La motorisation répartie choisie parce-que jugée plus performante dans un contexte où les villes desservies en cours de route sont relativement rapprochées ce qui suppose de fréquentes accélérations et décélérations, et la circulation sur une infrastructure dédiée. Dans ce domaine, le Japon n'avait guère d'autres choix s'il voulait se lancer dans l'ère de la grande vitesse car son réseau pré-existant avait été conçu à l'écartement de 3 pieds et 6 pouces soit 1067 mm, une largeur qui comme on l'a vu précédemment ne se prête pas à la grande vitesse. Le pays a donc adopté pour son Shinkansen l'écartement standard international de 1 m 437, coupant totalement ces trains de possibles circulations sur le reste de son réseau. La France, deuxième pays au monde à mettre en service un train à grande vitesse ne s'en cache pas. La SNCF a minutieusement étudié le Shinkansen avant de mettre au point le TGV. Mais il faudra attendre 1981 soit une quinzaine d'années de plus pour que celui-ci inaugure sa première ligne entre Paris et Lyon après avoir battu le 26 février de la même année, un nouveau record du monde de vitesse sur rail, établi à 381 km/h. L'Allemagne suivra avec l'ICE, dont le prototype ravira à la SNCF le 1er mai 1988 le record du monde de vitesse sur rail du TGV, en en établissant un nouveau à 406,9 km/h. La première ligne à grande vitesse ouverte dans le pays le fut entre Wurtzbourg et Hannovre en 1991.
L'Italie est le 3ème pionnier qui a compté en Europe, mais son approche a été assez différente de celle des autres pays. Elle est en effet passée par l'étape des trains pendulaires dont l'entreprise Fiat construit un premier prototype l'ETR Y 0160 en 1971. L'idée est de pouvoir rouler à des vitesse supérieure de 20 à 30 % à celle standard, sur des lignes classiques grâce à des trains qui se penchant dans les courbes un peu à l'image d'un motard, peuvent les franchir plus rapidement qu'un train traditionnel. Le pays changera néanmoins de stratégie à la fin des années 90 se lançant dans la construction de trains à grande vitesse non pendulaire et mettant en service de nouvelles lignes dédiées. Pendant ce temps, la SNCF se relance à la conquête de records. 482,4 km/h par une rame de TGV Atlantique le 5 décembre 1989, 515,3 km/h par la même quelques mois plus tard le 18 mai 1990, 574,8 Km/h le 3 avril 2007 sur la LGV Est-Européenne. Depuis, d'autres pays dans le monde ont mis en service des lignes nouvelles à grande vitesse, c'est le cas de l'Espagne, de la Turquie ou de la Finlande.

L'Union International des Chemins de Fer estime que le cap symbolique des 50 000 Km de lignes à grande vitesse a été franchi en 2020, surtout grâce à l'apport du continent Asiatique en la matière. On lui doit les ¾ du kilométrage mondial, le ¼ restant se concentrant en Europe. En 2024, la Chine devenue dans ce domaine le champion toutes catégories confondues ne comptait pas moins de 40 000 kilomètres de lignes à grande vitesse mis en service ces 15 dernières années. A l'inverse, l'Afrique reste le parent pauvre. Seul le Maroc dispose d'un peu moins de 200 km de ligne entre Tanger et Kenitra. Les TGV Al Borak assez semblables aux TGV Duplex d'Alstom y circulent. L'Amérique du sud ne connaît pas les joies de la grande vitesse ferroviaire. Celle du nord est timide en la matière. Aux Etats-Unis, Alstom a vendu l'Avelia Liberty, le petit cousin du futur TGV de la SNCF à Amtrak, et c'est à peu près tout, si ce n'est un projet de ligne à grande vitesse au Canada que le premier ministre sortant du pays semble avoir réussi à mettre sur les rails juste avant qu'il ne quitte le pouvoir. Le 19 février dernier, il a en effet annoncé la construction d'une ligne à grande vitesse reliant Toronto à Québec, soit 1 000 Kilomètres. Le projet baptisé Alto est porté par un consortium d'entreprises parmi lesquelles Systra, Kéolis et SNCF-Voyageurs. La France sera donc partie prenante dans l'établissement et l'exploitation de cette nouvelle ligne à grande vitesse dans le monde, mais il faudra être patient. La phase d'étude du projet devrait à elle seule durer entre 4 à 5 ans. Viendra ensuite le temps de la construction avant la mise en service pour laquelle aucune date n'est avancée, ce qui est sans doute plutôt prudent quand on connaît les retards systématiques des grands projets industriels y compris ferroviaires pour lesquelles une date a été annoncée un peu trop en avance.

Parmi les autres perspectives d'avenir en Europe, l'Allemagne a plusieurs projets de modernisation de son réseau existant et envisage la création de nouvelles lignes, l'Espagne qui compte désormais le réseau le plus étendu du continent envisage de poursuivre sur cette lancée, l'Italie poursuit le développement de lignes à grande vitesse vers le sud du pays, le Royaume-Uni souhaite relier Londres au nord de l'Angleterre, le projet s'appelle HS2 pour High Speed 2, quand à la France elle porte le Grand Projet Sud Ouest visant à relier Bordeaux à Toulouse et l'Espagne et attend avec impatience l'arrivée d'un nouveau TGV. Baptisé « M » dans un premier temps, il circulera finalement sous le nom de « TGV Inoui 2025 », mais pas avant 2026 alors qu'il était attendu rappelons-le pour avant les jeux-olympiques de l'été 2024. Pas de perspective de tentatives de nouveaux records de vitesse sur rails. Les derniers établis l'ayant été dans les semaines qui ont précédé l'ouverture de nouvelles lignes à grande vitesse et il n'y en a pas sur le point de l'être prochainement. Mais la raison principale pourrait bien être que l'envie et le besoin n'existent tout simplement plus. Surtout qu'avec la prise de conscience des enjeux environnementaux, l'heure ne n'est plus au toujours plus vite. Les technologies ferroviaires actuelles permettent d'envisager des circulations commerciales à 350 km/h. La Chine annonce qu'elle pourrait porter celle-ci jusqu'à 400 km/h. Mais plutôt que de jouer une nouvelle fois à celui qui ira le plus vite, l'Union Internationale des Chemins de Fer préconise d'intégrer à la réflexion autour de l'avenir de la grande vitesse sur rails bien d'autres critères tels le temps de parcours, la fréquence des dessertes, le prix, la qualité du service et son impact environnemental. Bref, le temps n'est plus au toujours plus vite. Celui qui lui a succédé consiste à s'efforcer de répondre au cas par cas à la question : qu'elle est la bonne vitesse pour atteindre telle ou telle destination, et pour la préservation de la planète ?
Merci à l'association Model Rail à Saint-Etienne qui s'est intéressée à la Grande Vitesse Ferroviaire tout au long de l'année dernière dans le cadre de ses activités et qui m'a aidé à préparer ce sujet. Ses études ferroviaires sont disponibles sur son site www.modelrail.fr il existe tout un ensemble de dossiers consacrés à la Grande Vitesse sur rails dans les différents pays du monde si vous souhaitez creuser un peu plus ces questions.

Suggestions de reportages à revoir dans la catégorie : Actualités