Le réseau ferré francilien
prêt pour les JO ?
Le réseau ferré francilien prêt pour les JO ?
Transcription :
Le réseau ferré d'île de France est-il prêt pour les Jeux olympiques ? Pour le savoir, on va se replonger dans les promesses qui avaient été faites au moment de la candidature de Paris et on va se rendre sur place pour comparer avec ce qui a été réalisé. Nouvelles lignes ou prolongement de certaines pré-existantes, mise en service de nouveaux matériels roulants, ouverture de nouvelles gares, desserte des deux aéroports de la capitale, quoi de neuf sur les rails en région parisienne en ce début d'été 2024, on voit ça dans ce nouveau reportage, bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
La première des compétitions s'est jouée, il y a déjà bien longtemps. Pour être désignée ville hôte, il faut en effet que son dossier soit retenu parmi tous ceux qui sont déposés et à ce petit jeu Paris n'a pas gagné du premier coup, sa candidature a même été rejetée à trois reprises en vue des Jeux olympiques de 1992, 2008 et 2012. Alors, il lui a fallu revoir sa copie et sans doute l'a muscler un peu. Et en 2017, le dossier est passé, Paris a été désignée ville hôte des JO de l'été 2024. Parmi les critères qui comptent le plus dans l'évaluation d'un dossier de candidature, il y a la question des transports. L'événement doit contribuer à leur modernisation et encourager leur utilisation dans la ville où se déroulent la plupart des compétitions et le Comité Olympique précise qu'il doit pouvoir compter sur des services de transports sûrs, efficaces, fiables et ponctuels qui devront tenir compte de l'ensemble des besoins des athlètes, des organisateurs, des spectateurs, mais aussi des habitants. Le dossier de candidature Paris 2024 mettait en avant le fait qu'aucune infrastructure nouvelle ne serait nécessaire pour faire face à ces exigences.
Mais là, il faut bien avouer qu'il y avait une petite subtilité.
Le sous-entendu était qu'un certain nombre de travaux déjà engagés ou programmés seraient achevés avant l'été 2024 : le prolongement de la ligne E du RER et des lignes 12 et 14 du métro, la création de quatre nouvelles lignes de métro, les 15, 16, 17 et 18, le prolongement de la ligne T1 du tramway, et le lancement d'une nouvelle desserte ferroviaire aéroportuaire : le Charles de Gaulle Express devant relier la gare de l'Est à l'aéroport de Roissy. Pour le reste, ce qui était prévu était l'augmentation des fréquences, le déploiement de personnels supplémentaires et une amplitude horaire élargie.
Et aussi un petit détail qui ne manquerait pas de faire grincer des dents quelques années plus tard :
Outre le transport gratuit des athlètes, des organisateurs et plus largement de toutes les personnes accréditées par le Comité Olympique dans le cadre de leurs fonctions, qui fait partie des obligations imposées à toutes les villes organisatrices et concerne environ 200 000 personnes, le dossier Paris 2024 promettait l'accès aux transports publics gratuits pour tous les détenteurs de billets sur l'ensemble de l'île de France le jour des compétitions concernées.
Mais ça, c'était avant la crise sanitaire.
Au sortir de celle-ci, plusieurs signaux d'alarme commencent à être tirés : le réseau ferré francilien présente des points de faiblesse et il devient évident à moins de deux ans de l'événement que plusieurs infrastructures majeures ne seront pas prêtes à temps. La Cour des comptes s'inquiète ainsi dans un rapport publié en janvier 2023 de l'avancée du chantier de prolongement du RER E qui doit contribuer à améliorer la desserte de l'Arena de Paris la Défense, de celui de la ligne 14 du métro, crucial pour la desserte du Stade de France, du Centre Aquatique Olympique et du Village des Athlètes au nord via la gare de Saint-Denis-Pleyel et au sud pour celle de l'aéroport d'Orly. Un autre rapport émis celui-ci par le Parlement s'alarme en juillet 2023 soit un an avant la date fatidique du fait que les transports franciliens n'ont jamais aussi mal fonctionné.
Aie !
Il va donc falloir revoir ses ambitions à la baisse et se recentrer sur quelques infrastructures majeures quitte à en laisser d'autres prendre encore un peu plus de retard. Oublié, le Charles de Gaulle Express, le surplus de voyageurs vers la banlieue nord passera par la gare du même nom et pas par celle de l'Est. À la trappe aussi les lignes de métro 15, 16, 17 et 18. Dans ces conditions, c'est sur les épaules de la 14 qu'une grande partie des espoirs va reposer. La RATP va donc redoubler d'efforts pour que son prolongement à ses deux extrémités soit effectif avant l'été 2024. Cet objectif-là a été atteint puisque cette ligne relie depuis le 24 juin Saint-Denis-Pleyel au nord à l'aéroport d'Orly au sud. 8 nouvelles stations ont vu le jour, une au nord, les 7 autres au sud. La ligne 14 devient ainsi la plus longue du métro parisien, avec désormais 28 kilomètres. La distance parcourue par les rames automatiques a doublée. Elle devrait devenir bientôt également la plus fréquentée. À l'occasion de ce prolongement, le système de pilotage automatique des trains a été changé. L'ancien ne permettant pas de gérer le nombre de rames requises pour une exploitation sur une telle longueur. 72 trains, circulant en heure de pointe à un intervalle de 80 secondes soit moins d'une minute trente d'attente dans le meilleur des cas. Cette performance ne sera toutefois pas réalisée pendant les Jeux olympiques, toutes les rames n'ayant pas livrées à temps. Car avec le prolongement de la ligne et le changement de système de pilotage automatique coïncide avec l'entrée en service de nouveaux matériels roulants. Les MP14. MP pour Métro Pneumatique, 14 pour 2014, l'année durant laquelle la RATP a lancé son appel d'offres. Celui-ci a été remporté par Alstom pour la fourniture de rames comptant 8 voitures contre 6 pour celles qui y circulaient jusqu'alors. La longueur de ces nouvelles rames est de 120 mètres. Leur capacité est de près de 1000 voyageurs. La mauvaise surprise vient du tarif appliqué pour se rendre à l'aéroport d'Orly. S'il reste inchangé pour les détenteurs d'un pass Navigo, les utilisateurs occasionnels des transports parisiens devront s’acquitter d'un billet à 11 euros 50.
Autre inauguration, récente, mais partielle celle-ci, le prolongement de la ligne E du RER.
À l'origine, au départ de Haussmann-Saint-Lazare, ce nouveau tronçon devait atteindre Mantes-la-Jolie avant la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques. L'inauguration a eu lieu le 6 mai dernier, mais il faut se contenter pour l'heure d'un parcours de 8 km dans un nouveau tunnel sous Paris permettant de rejoindre la gare de Nanterre-La-Folie en passant par celles de Porte-Maillot et La Défense, et encore, les trains n'y circulent que de 10 h à 16 h en semaine, 10 h à 20 heures le week-end, et il faut changer en gare de Magenta ou d'Haussmann pour poursuivre son trajet sur la ligne E. Il est conseillé de le faire à Magenta où le changement est plus simple. Pendant la durée des jeux toutefois, des navettes supplémentaires seront mises en service, mais seulement entre Nanterre-la-Folie et Porte-Maillot. La cause de ces désagréments ? Un retard de livraison des nouvelles rames destinées à desservir cette ligne. 255 RER NG pour Nouvelle Génération ont été commandés, mais à ce jour seules 35 ont été livrés.
Et si la SNCF est tributaire de ces livraisons pour la mise en route de ce nouveau tronçon du RER E, c'est que celle-ci comme pour la ligne 14 du métro, s'accompagne de la mise en service d'un nouveau système de gestion du trafic.
Et seuls ces RER de nouvelle génération sont compatibles avec lui. Il s'appelle NexTeo et s'inspire largement des systèmes d'automatisation de la conduite mis en place par la RATP pour le métro. Sa finalité ? Permettre la circulation d'un plus grand nombre de trains, à des fréquences plus élevées, en réduisant la distance entre chaque rame et en augmentant les vitesses pratiquées dans les tunnels. Sur le prolongement de la ligne E, les RER NG vont pouvoir ainsi faire des pointes à 120 km/h. Ces trains sont construits par Alstom. Ils sont destinés dans un premier temps aux lignes D et E du RER. Sur cette ligne, il s'agit de rames composées de 6 caisses, 4 à deux niveaux encadrées par 2 à un niveau situées à chacune des extrémités. Ce sont des trains dits « boa ». Il est donc possible de les parcourir d'un bout à l'autre ce qui facilite la répartition des voyageurs. En revanche, leur architecture reste celle d'un train classique et non celle d'une rame articulée, à savoir que chaque caisse repose sur deux bogies. Le service rendu par ces nouvelles rames ne sera donc que partiel pendant la durée des Jeux olympiques, elles devraient néanmoins contribuer à désengorger un peu le RER A en assurant elle aussi la desserte de la Défense Arena.
Une autre plaque tournante pour les Jeux olympiques sera la Gare du Nord.
Et ce n'était pas nécessairement ce qui était prévu à l'origine. En effet, l'un des points forts du volet transports du dossier de candidature Paris 2024, et qui a sans doute fait pencher la balance en sa faveur, était le plan de desserte des aéroports. Au sud, Orly ne s'en sort pas trop mal avec deux dessertes ferroviaires sur les 3 envisagées. OrlyVal et la ligne 14 seront donc à 100 % opérationnelles, même si à terme l'avenir de la première semble bien compromis depuis l'inauguration de la seconde. En revanche, la ligne 18 qui devait compléter le dispositif ne sera pas mise en service à temps. Au nord, c'est plus compliqué. Il a fallu renoncer au Charles-de-Gaulle Express qui devait connecter la gare de l'Est à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, ainsi qu'aux lignes 15,16 et 17 qui devaient irriguer nombre de sites olympiques et l'aéroport pour ce qui est de la ligne 17. La plupart du trafic ferroviaire dans ce secteur va donc reposer sur la gare du Nord et le RER B le seul des trois modes de transport lourds à subsister par rapport aux projets initiaux.
Et l'histoire de la gare du Nord, ces dernières années, ne s'est pas écoulée comme un long fleuve tranquille.
Le besoin de restructurer profondément cette gare n'a échappé à personne, mais un premier grand projet qui visait à en tripler la superficie dans la perspective des Jeux olympiques et qui lui aurait au passage donné des allures de gigantesque centre commercial a fini par s'embourber. Les coûts des travaux n'ont pas cessé de s'envoler et les retards de s'accumuler à tel point que si tant est qu'il ait abouti, le risque était grand d'accueillir les visiteurs arrivant en train dans un vaste chantier, plutôt que dans une gare rénovée. Les ambitions ont donc été très largement revues à la baisse et le projet rebaptisé « Horizon 2024 », histoire de garder tout de même en ligne de mire l'échéance des Jeux olympiques. Les travaux ont consisté Brexit oblige à réaménager le terminal trans-manche pour y installer une zone frontière, un gros travail a été fait sur la signalétique qui intègre des panneaux rétro-éclairés, de nouveau écrans ont été installés, ainsi que de nouveaux portiques de validation des billets. À l'extérieur, un nouveau parvis pour les piétons et les cyclistes occupe la place que devait prendre le centre commercial envisagé dans le précédent projet, et un parking à vélos de près de 2000 places a été créé.
Mais s'il est une gare qui se voulait celle des JO de 2024, c'est bien celle de Saint-Denis-Pleyel.
Elle a été inaugurée pile un mois avant la cérémonie d'ouverture et se trouve à proximité de trois sites olympiques majeurs. Le village des athlètes, le Centre Aquatique Olympique et le Stade de France. Ici, c'est la ligne 14 qui sauve la mise, puisque les trois autres lignes qui doivent la rejoindre les 15, 16 et 17 ne le feront que bien plus tard. La gare qui est conçue sur 9 niveaux dont 4 en souterrain permettra également des correspondances avec la ligne 13 du métro et le RER D, qui se trouve de l'autre côté du plus grand faisceau ferré d'Europe, celui de Paris-Nord. Une passerelle longue de 300 mètres, pour l'heure uniquement piétonne permet d'en rejoindre les stations.
Alors avec tout ça, le réseau ferré d'Île-de-France est-il prêt pour les Jeux olympiques ?
J'ai envie de vous dire que l'avenir tout proche nous le dira, car le facteur humain compte aussi et est assez imprévisible. Pour ce qui est des infrastructures, le bilan est plus facile à dresser. Au moment de la validation du dossier Paris 2024 en 2017 l'Île-de-France comptait 16 lignes de métro, 5 de RER, et 10 de tramways. 7 ans plus tard à la veille de la cérémonie d'ouverture, le nombre de lignes de métro n'a pas augmenté, mais la 14 a vu sa longueur doublée, la 4 a été automatisée et prolongée de Mairie de Montrouge à Bagneux, la 11 de Mairie-des-Lilas à Rosny-Bois-Perrier, et la 12 de Front Populaire à Mairie d'Aubervilliers. Le réseau de métro est désormais long de 245 km, il en atteindra 400 lorsque les lignes 15 à 18 seront entrées à leur tour en service. Le nombre de lignes de RER n'a pas changé, il est toujours de 5, quant aux lignes de tramways elles sont passées de 10 à 14.
Je ne sais pas vous, mais moi, j'ai hâte de voir comment tout cela va se passer et de vous retrouver à la rentrée de septembre pour la 17e saison d'Aiguillages. En attendant, si vous voulez en savoir plus sur le projet du Grand Paris Express, je vous renvoi sur cet autre reportage et je vous souhaite un bel été.
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