Le Premier voyage de la CC 65512

de l'APPMF

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Le Premier voyage de la CC 65512 de l'APPMF

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Le 5 avril 2025 est une date qui restera marquée dans l'histoire de l'Association pour la Préservation du Patrimoine et des Métiers Ferroviaires. C'est en effet ce jour-là qu'elle a mis en circulation son tout premier train, assuré par une locomotive diesel des années 50 dont elle vient d'achever la restauration. Le voyage s'est déroulé sans encombre, les passagers ayant pris place dans une rame historique prêtée par une association amie la 3ATV Centre-Val-de-Loire. Dans ce nouveau reportage je vous propose de vivre les tout derniers préparatifs de la CC 65512 avant son acheminement à Vierzon par la CMR, la Cellule des Matériels Radiés de la SNCF et le voyage lui-même jusqu'au Mans et retour qui pour ne rien gâter s'est fait sous un grand soleil. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

On l'attendait avec la locomotive à vapeur qui a été à l'origine de sa création, mais c'est finalement avec une machine diesel que l'APPMF a réalisé son premier voyage. C'est que la crise sanitaire est venue quelque peu bousculer ses projets. Si la remise en état de circulation de la 230 G 353 est toujours d'actualité, le chantier démarré en 2013 a pris du retard à tel point qu'il a semblé plus judicieux aux membres de l'association de concentrer tous leurs efforts sur le redémarrage de l'autre locomotive dont ils avaient la charge, la CC 65512, l'ampleur des travaux à réaliser sur cet engin diesel étant moins importante que les efforts à consacrer à la machine à vapeur. Cette stratégie leur a permis d'aboutir plus vite à un résultat concret : la circulation de leur premier train, après lequel c'est promis, un dernier coup de collier sera donné sur la Chieuvre du Berry pour parvenir dans un délai raisonnable au premier rallumage de sa chaudière avant son retour sur les rails en tête de trains spéciaux. L'équipe de l'APPMF est basée à Gièvres au camps des alcools. Il s'agit d'une partie d'un ancien très grand camp militaire américain qui servait au ravitaillement des troupes sur le front, et qui notamment parce-qu'il était doté de centaines de km de voies ferrées a été converti en site ferroviaire. Il est aujourd'hui occupé par une entreprise réalisant des travaux hors suite, c'est à dire là où les grands trains usines ne peuvent pas intervenir. L'APPMF dispose sur le site de voies qui lui permettent de stocker le matériel roulant qu'elle préserve et de le faire évoluer pour ses premiers essais. C'est là que la CC 65512 était hébergée ces dernières semaines en attente de réaliser son premier train depuis sa remise en route. Pour la petite équipe sur place, l'objectif de la journée était très simple. Procéder aux derniers préparatifs et amener la locomotive jusqu'au point, c'est à dire à l'endroit où la SNCF va venir le prendre en charge pour l'emmener au dépôt de Vierzon à une 30aine de kilomètres de là. Les CC 65500 sont des engins beaucoup moins connus que bien d'autres séries de locomotives à six essieux moteurs. Esthétiquement, ils ne sont pas passés entre les mains d'un Paul Arzens. Pas de nez cassé donc, ni de livrée flamboyante. Leur vocation y est sans doute pour beaucoup. Destinées à rester plutôt discrètes et à assurer le service de lourds trains de fret entre les différentes grandes gares de triage de la région parisienne, leur aire de jeu se limitait à peu près à la grande ceinture, elles étaient là pour remplacer à cette tâche les locomotives à vapeur qui y étaient affectées en attendant que l'électrification des lignes parcourues ne soit achevée. Elles ont donc été conçues comme de braves bêtes de somme, capables de tirer à vitesse modérée, 70 au début de leur carrière, puis 80 km/h, des trains de 1000 à 2000 tonnes. Ces machines ont été construites dans le milieu des années 50 par la Compagnie des Ateliers et Forges de la Loire dans ses usines de Saint-Chamond. La CC 65512 en est sortie, en 1956. Diesel – électriques, elles sont équipées d'un moteur de la marque Sulzer basée à Winterthur en Suisse. Celui-ci est un dérivé de ceux utilisés dans la marine, c'est un 12 cylindre en U. Le son qu'il produit a valu différents surnoms à ces machines allant de Babazou à Dakota, essayant de le transcrire sous formes d'onomatopées. Ce moteur entraîne une génératrice principale qui transmet du courant continu aux six moteurs de traction et une génératrice auxiliaire alimentant les autres organes électriques de la machine. Celle-ci pèse 120 tonnes en ordre de marche et développe une puissance de 1 290 KW/H. A la fin de leur carrière à la SNCF dès les années 70/80, ces machines ont pour la plupart été affectées à des trains de travaux. La CC 65512 n'a pas échappé à ce destin et a été louée aux HBL les Houillères du Bassin de Lorraine dans l'Est de la France entre 1983 et 1987 avant d'être revendue à l'entreprise TSO (Travaux du Sud Ouest) pour le compte de laquelle elle est partie travailler sur des chantiers de construction de la ligne TGV Sud Europe Atlantique. C'est là qu'elle terminera sa carrière. Intéressée par une locomotive diesel-électrique pour réaliser les manœuvres de ces différents matériels roulant préservés, et pourquoi pas le jour venu, le secours de sa locomotive à vapeur lorsqu'elle sera en mesure de reprendre les rails, l'Association pour la Préservation du Patrimoine et des Métiers Ferroviaires a pu l'a récupérer et en démarrer les travaux de remise en état et lui obtenir un nouvel agrément pour pouvoir circuler en son nom sur le réseau ferré national. C'est l'ensemble de ces démarches qui s'est concrétisé en ce début du mois d'avril par la préparation de ce premier train. La sortie du parc des alcools va prendre un certain temps. Le site étant particulièrement vaste. Des aiguilles sont à manipuler, un rebroussement à opérer et un portail à franchir. Une fois à l'extérieur, il reste encore plusieurs kilomètres à parcourir en pleine forêt avant de s'approcher de la gare de Gièvres. A l'écart de celle-ci, sur la ligne reliant Vierzon à Saint-Pierre des Corps près de Tours, une aiguille permet de rejoindre les voies de la SNCF. C'est là que la CC 65500 de l'APPMF va s’immobiliser avant d'être prise en charge en véhicule remorqué par une locomotive de la Cellule des Matériels Radiés de la SNCF. Il n'y a plus qu'à attendre, mais cela ne sera pas très long. Bientôt, une célèbre machine à la livrée rouge Capitole se présente. Il s'agit de la BB 67613 en provenance du Mans qui va s'immobiliser juste après avoir franchi l'aiguille. Commence alors l'application de différentes procédures pour obtenir la protection de cette portion de voie et l'autorisation de manipuler l'aiguille afin de permettre à la locomotive de s'engager sur les voies de l'ITE, l'Installation Terminale Embranchée du camps des Alcools. Les deux locomotives y seront attelées, et le moteur de la CC 65500 éteint. Celle-ci deviendra pour le reste du parcours jusqu'au dépôt de la gare de Vierzon, un simple véhicule remorqué. Pour les équipes de l'APPMF le travail s'arrête provisoirement là. Un autre transfert, celui de la rame prêtée par la 3ATV Centre-Val-de Loire, sera réalisé dans le même temps depuis les Aubray près d'Orléans. En fin de journée, un petit tour à la gare permettait de constater que l'ensemble avait bien été acheminé et était près pour le lendemain.
Le samedi matin, dès 7h30, le ronronnement rassurant si caractéristique de la CC 65512 était perceptible depuis les quai de la gare. Les équipes de l'APPMF étaient sur place pour accueillir les voyageurs et assurer la mise à quai du train. Celui-ci n'allait pas tarder de quitter le dépôt en refoulant dans un premier temps jusqu'à l'autre extrémité de la gare où se trouvent d'autres voies de stationnement. Après un assez long temps d'attente passé là-bas, l'itinéraire ayant été tracé pour que le train spécial se fraye un chemin entre les circulations régulières, la CC 65512 pu entrer en gare, avec à ses crochets la BB 67613 prête à lui porter secours au besoin et surtout l'ensemble des voitures constituant la rame à bord de laquelle les passagers allaient pouvoir prendre place. La couleur verte des voitures tranchait avec celle des livrées actuelles des TER fréquentant la gare, tandis que l'arrêt de quelques Intercité toujours exploités en rames tractées étaient là pour rappeler que voilà une cinquantaine d'années déjà que ces véhicules ont été remplacés par des voitures Corail qui s'apprêtent à leur tour à tirer définitivement leur révérence. Décidément, la roue tourne... Et l'heure aussi ! Il est maintenant temps de quitter Vierzon. Le temps de profiter d'un petit déjeuner et le départ est donné à 8h37 à l'heure prévue. La destination est Le Mans. Notre train empruntera dans un premier temps la ligne Vierzon-Tours construite par la Compagnie du Paris-Orléans après la disparition de celle du chemin de fer Grand Central. A double voie sur tout son parcours, elle fut mise en service en 1869 et est longue de 113 km. Sa signalisation restée mécanique jusqu'en 1998 est maintenant de type BAPR (Bloc Automatique à Permissivité Restreinte) ou BAL (Bloc Automatique Lumineux) dans certaines gares. Elle est électrifiée jusqu'à Saint-Pierre des Corps. Un premier arrêt sera marqué en gare de Gièvres, où une 20 aine de passagers rejoindront les autres voyageurs. Puis ce sera Saint-Pierre des Corps. Au-delà, notre parcours nous entraînera sur la ligne de Tours au Mans sur 96 km, une autre ligne également construite par le Paris-Orléans mais mise en service dès le mois de juillet 1858. Elle n'est pas électrifiée sauf aux abords des ses deux gares d'extrémités. Sa signalisation est du Bloc Automatique Lumineux de Tours à Mettray et d'Arnage au Mans, et en Block Automatique à Permissivité Restreinte à comptage d'essieux sur la portion restante. Notre train desservira enfin, la gare de Château-du-Loir à la sortie de laquelle il dépassera la célèbre rotonde de Montandon. Puisque l'on a un petit peu de temps devant nous, je vais aller faire un tour du côté de la voiture bar pour mesurer le soulagement des bénévoles impliqués depuis de très nombreuses années pour certains, de voir enfin ce premier train sur les rails.

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Plus le train avance, et plus le soulagement et la satisfaction des membres de l'APPMF est palpable.
Le charme de ces anciennes rames c'est la présence des compartiments, et le plaisir de pouvoir passer prudemment cela va sans dire la tête par la fenêtre. On en oublierai un peu vite l'un des inconvénients majeurs. S'il y a un peu de monde dans les couloirs, ça peut vite devenir assez compliqué de se déplacer d'un point à un autre du train. Je vais pourtant tenter de le faire pour rejoindre un autre bénévole qui s'est lui aussi pas mal impliqué dans les travaux de restauration de l'engin, et qui le temps de ce trajet était en poste sur la toute dernière plateforme en queue de convoi.

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Les charmes des vielles mécaniques. Alors oui, l'APPMF avait déjà fait rouler des trains avant celui-ci, mais il s'agissait de trains d'essais sans passagers réalisés en 2023 et 2024 quelques mois avant la date fatidique du 5 avril, et ces expériences avaient été un peu stressantes, mais elles étaient là pour ça, et ont permis que cette fois-ci, tout se passe comme espéré. L'arrivée en gare du Mans s'est faite en tout début d'après-midi selon l'horaire établi à 12h55. Parce-que la configuration des lieux le permet, l'association a organisé pour le plaisir des photographes un petit tour de piste. Au Mans, il est possible de quitter la gare par le nord, de s'engager dans des voies de service et d'y entrer de nouveau par le sud. C'est de cette possibilité que les membres de l'APPMF voulaient profiter pour proposer deux passages en gare dans l'après-midi avant l'heure du départ pour le retour vers Vierzon. En raison d'une vérification technique que l'équipe à préféré faire plutôt que de prendre un risque sur le chemin du retour, le train n'aura finalement fait que l'un des deux passages prévus en gare, mais qu'à cela ne tienne cette précaution a garantie un retour sans accroc à la gare de départ pour l'ensemble des passagers qui étaient d'autant plus ravis que le soleil était au rendez-vous et les températures plutôt chaudes pour la saison.

La CC 65512 est de retour sur les rails, c'est donc maintenant officiel, et sa nouvelle carrière ne fait que commencer. Après ce premier voyage elle a fait un passage en fosse dans la semaine et se trouve maintenant à Sotteville-les-Rouen où elle va assurer des trains spéciaux pour le compte du Pacific Vapeur Club. A l'automne prochain un nouveau voyage de l'APPMF est envisagé. Il pourrait se faire vers Epernay, là où tout à commencé pour elle, car c'est là que les premiers travaux de restauration de son autre protégée la 230 G 353 ont été réalisés. Un nouveau dossier à suivre prochainement dans Aiguillages !

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