La fin des TER
de la SNCF ?

La fin des TER de la SNCF ?
Transcription :
Est-ce que la fin est proche pour les TER de la SNCF ?
Depuis cet été, la liaison Marseille-Nice n'est plus assurée par des trains de l'entreprise nationale mais par une compagnie concurrente et privée.
La même chose pourrait arriver dans d'autres régions et ce très prochainement.
Pour certains, ce changement est une chance, ils espèrent moins de retards, moins de grèves et des trains plus nombreux sur les rails des régions.
Pour d'autres, il est synonyme de catastrophe. Ils évoquent l'exemple de la privatisation des chemins de fer en Grande-Bretagne dans les années 90 qui avait entraîné une explosion du prix des billets de train, et plusieurs accidents graves dus au manque d'investissements dans l'entretien des infrastructures.
Qu'en est-il réellement ? C’est ce que l’on voit dans ce nouveau décryptage.
Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
Depuis le 29 juin dernier, c'est la société privée Transdev qui assure la relation TER Marseille-Nice en lieu et place de la SNCF.
Une petite révolution dans le monde ferroviaire puisque c'est la première fois qu'une compagnie privée assure un tel service.
Jusqu'à cette date les Transports Express Régionaux étaient l'apanage de la Société Nationale des Chemins de Fer Français mais cette époque est désormais révolue.
Alors comment en est-on arrivé là ?
L'histoire commence dans les années 90 à une époque où les trains régionaux ne sont pas au mieux de leur forme.
On ferme des lignes, il y a moins de monde dans le train, le matériel roulant n'était pas renouvelé, l'infrastructure se dégradait… et tout ceci ne pouvait pas durer !
Un sénateur alsacien va s'emparer du problème et très probablement sauver par la même occasion le transport ferroviaire régional en proposant d'en transférer la compétence aux conseils régionaux.
Il y a une réflexion qui est justement de plus décentraliser la gestion de ces trains régionaux et donc de donner plus la main aux régions.
Dans un rapport que lui commande le ministre des Transports de l'époque, Hubert Haenel utilise une formule choc pour résumer son propos : Qui paie décide !
Or, comme le montre cette allégorie dessinée par l'illustrateur PIEM, il est loin d'en être ainsi.
Le cheminot, avec sa lanterne qui guide Marianne, qui guide elle-même tout un tas de petites Marianne qui sont les régions.
La régionalisation des transports va inverser ce rapport de force.
On a mis le TER dans les mains de gens qui étaient politiquement responsables ; Ils se sont intéressés à la fréquentation, ils se sont intéressés à la qualité du service. Ils se sont intéressés évidemment au matériel roulant. Ils ont constaté qu'aussi qu'il fallait qu'ils s'intéressent aux infrastructures. Et on a vu sur tous ces thèmes des améliorations absolument substantielles. Il suffit de se balader en France pour voir le progrès du TER et surtout la croissance de la fréquentation qui est quand même tout à fait remarquable.
Les premières expérimentations de régionalisation ont été menées dans les régions Alsace et Nord.
Donc quand il y a cette expérimentation, elle est jugée réussie et donc il y a différentes lois, dont la LOTI, la SRU aussi. Et donc ils décident effectivement de généraliser l'expérimentation de la régionalisation. Et donc c'était en 2002 exactement. Les régions sont désormais les autorités organisatrices des TER.
Cette nouvelle organisation, si elle est relativement transparente pour des voyageurs qui se déplacent à l'intérieur d'une seule région, elle peut compliquer singulièrement la vie de ceux qui souhaitent faire de plus longs parcours.
Les régions cherchent avant tout à mettre en avant leurs politiques et donc ne se parlent pas les unes les autres. Et donc là, pour le coup, c'est au désavantage du voyageur. Parce que si vous voulez voyager d'une région à une autre et que vous devez acheter deux billets, que vous n'avez pas le droit aux mêmes réductions que vous, vous demandez ce que c'est que la marque Fluo ou la marque Zou. Qui connaît ses marques à part les gens éventuellement et encore peut-être pas sûr, à part les gens qui vivent sur ces territoires là ? Donc ça devient compliqué de voyager d'une région à une autre et ça va le devenir de plus en plus. C'est avant tout de la responsabilité des régions qui sont très très frileuses sur le sujet. Elles veulent absolument pas qu'on touche notamment à leur liberté tarifaire si elles mettent beaucoup d'argent, donc elles veulent être les maîtres chez elles.
Alors évidemment, il y a de quoi pester devant la multiplication des difficultés que pose le fait que certaines régions voisines ont parfois du mal à se parler et à se coordonner, la complexité tarifaire face à laquelle le voyageur se retrouve souvent lorsque son déplacement l'amène à traverser plusieurs d'entre elles, mais force est de constater que fort heureusement cela ne semble pas freiner les ardeurs des adeptes des déplacements à bord des trains régionaux.
Il faut avoir en tête que dans toute la période de régionalisation, c'est-à-dire de 2002 à 2019, il y a eu à peu près une augmentation de la fréquentation de 80 %. Et ces trois dernières années, 2022, 2023, 2024, nous avons eu une augmentation de fréquentation de 30 %. Le TER, c'est aujourd'hui 1 300 000 voyageurs par jour.
Dans ce tableau qui peut sembler idyllique, il y a néanmoins un point sur lequel les organisations syndicales étaient en alerte dès ces années-là.
C'était que ça pouvait ouvrir la porte à la concurrence. Ce qui d'ailleurs n'a pas été faux.
À partir du moment où l'État avait commencé à déléguer des responsabilités dans le domaine des transports aux régions, il semblait assez naturel que certaines de celles-ci finissent par souhaiter contrôler jusqu'au choix de l'opérateur auquel elles confieraient l'exploitation de leurs réseaux.
Ce n'est toutefois pas par cette porte que l'ouverture à la concurrence est entrée.
Pour le coup, ça c'est l'Europe. C'est un règlement européen. Donc les régions vont être obligées d'ouvrir leur TER à la concurrence en 2033, mais par contre elles auront le droit de le faire avant si elles le souhaitent. Et donc il y a des régions françaises qui ont décidé de le faire avant les autres, d'expérimenter l'ouverture à la concurrence, donc avec la région Sud qui a été pionnière dans le domaine et qui a attribué il y a quelques mois une ligne, on en parle peu, mais une ligne à la SNCF. Donc la ligne c'est l'étoile de Nice, et puis la ligne Marseille-Toulon-Nice à Transdev. Donc c'est vraiment symboliquement c'est très fort parce que c'est le premier opérateur privé qui exploite une ligne et donc c'est un opérateur autre que la SNCF.
Le mouvement a été impulsé et d'autres régions ont suivi : les Hauts-de-France et Centre-Val de Loire notamment et à chaque fois, les lots ont été répartis entre Transdev et la SNCF, parceque, il faut bien le dire, il y a relativement peu d'opérateurs qui se présentent à ces appels d'offres.
Ce sont des appels d'offres compliqués. Il faut connaître un petit peu la façon dont fonctionnent les élus régionaux. Et puis est-ce qu'il y a beaucoup d'argent à gagner ? En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il y a beaucoup d'investissements, alors, qui sont faits de la part des régions, mais il y a quand même un petit risque et puis ça coûte très cher de répondre à des appels d'offres. Donc, pour l'instant, il n'y a pas beaucoup d'opérateurs concurrents. Il y a des opérateurs étrangers qui sont venus pour regarder un petit peu le marché, par exemple Trenitalia ou la Renfe, mais pour l'instant, ils n'ont pas vraiment complètement fait acte de candidature. Ça viendra peut-être demain.
L'une des attentes des partisans de la privatisation des TER, c'est la réduction du nombre de jours de grève, et le fait est que celle-ci pourrait bien être satisfaite, car même si la SNCF remporte beaucoup de lots lorsqu'elle est confrontée à ses concurrents dans des appels d'offres, ce n'est pas directement elle qui en reprend l'exploitation, mais des filiales que SNCF Voyageurs crée spécifiquement pour honorer ces contrats.
Une situation qui gêne les syndicats car elle remet en cause la relative facilité avec laquelle il était possible de lancer un mouvement de grève au plan national.
La multiplication des entités locales indépendantes les unes des autres va de facto compliquer notablement cette faculté.
Les régions le demandent, pas systématiquement, mais certaines le demandent. Et donc, pourquoi cette demande pour des sociétés dédiées ? Tout simplement parce que les autorités régionales veulent avoir une transparence financière, une transparence sur les moyens qui sont mis en œuvre pour exploiter la ligne. Et donc la SNCF a décidé de faire ça systématiquement. Et donc à chaque fois qu'elle répond à un appel d'offres, c'est une société dédiée si elle remporte le marché, qui est mise en place avec ses conducteurs, ses mainteneurs, et tout le personnel adéquat. C'est aussi une façon de se rapprocher du terrain et d'être plus en liaison avec les autorités, les élus, la population. Mieux connaître effectivement tout ce qui se passe en région.
A l'image de ce qui vient de se produire dans la région Sud où les vieux trains Corail qui assuraient les dessertes jusqu'à la reprise de l'exploitation de la ligne Marseille-Nice par Transdev ont été remplacés par des automotrices modernes, l'attribution des lots s'accompagne le plus souvent par le renouvellement du matériel roulant, une façon de convaincre les voyageurs que la concurrence a du bon.
Pour le voyageur. Ce qui est important, c'est le service que l'on apporte. Il se fout de la couleur du taxi ! Il veut avoir un vecteur de transport qui parte à l'heure, qui arrive à l'heure avec un certain nombre de règles du jeu à respecter et un prix qui soit abordable.
En fait, le voyageur ne sait pas forcément qu'il voyage avec Transdev ou avec la SNCF. En fait, le train est surtout tagué région Sud et le but des régions, c'est surtout de se mettre très très en évidence. Et l'opérateur, le nom est un chouia plus petit, pour la région, c'est pas ça qui compte. Et pour le voyageur, normalement ça devrait pas compter. La SNCF par exemple vend sur son site les billets de Transdev, c'est le choix de la région, c'est la région qui décide tout et donc les opérateurs appliquent les décisions des régions.
Nombreux sont les opposants à la privatisation qui ont en tête le modèle britannique qui a tourné au cauchemar. Si l'augmentation du trafic a bien été réelle, si le matériel roulant a bien été renouvelé, le prix des billets de train a littéralement explosé dans le pays.
Voici mon passe annuel. Il coûte plus de 4 500 €, ça représente 8 % de mon salaire. Il me permet d'aller de Hove à Londres, mais pas de prendre le métro dans la capitale.
Certaines lignes peu fréquentées ont été délaissées et, pire, plusieurs accidents graves se sont produits dans la décennie 90/2000.
L'État a dû intervenir à de multiples reprises pour soutenir des opérateurs à la limite de la déconfiture financière.
Un schéma qui rappelle étrangement ce qui a conduit en France à la création, le 1ᵉʳ janvier 1938, de la SNCF.
L'entreprise a pris le relais de plusieurs compagnies privées toutes plus ou moins tombées en faillite.
Au Royaume-Uni, en 2021, le Parlement a de même voté la renationalisation de ses chemins de fer.
L'Angleterre a commis une erreur, c'est de privatiser son infrastructure. C'est une connerie ! Jamais on a voulu le faire en France. Jamais d'ailleurs personne ne l'a demandé parce que ça n'a pas de sens, l'infrastructure, elle est étatique. Si ce n'est pas l'État qui met l'argent dessus, on n'y arrivera pas !
Le souci, c'est que l'infrastructure ferroviaire en France est vieillissante.
La géographie des centres de maintenance en France actuellement, c'est la géographie du train vapeur. Il s'est passé beaucoup de choses depuis ! C'est l'illustration que l'ouverture à la concurrence amènent à poser des questions différentes, même si c'est la SNCF qui remporte des marchés, ça oblige à poser dans un cahier des charges différemment cette problématique et d'avoir une réponse du XXIᵉ siècle qui n'est pas du 19ᵉ !
C'est ainsi que bon nombre d'ateliers où était entretenu le matériel roulant dans des bâtiments conçus pour recevoir des trains classiques comprenant une locomotive et d'un ensemble de voitures voyageurs plus ou moins nombreuses, formant une rame plus ou moins longue en fonction des besoins, vont être remplacés par des équipements beaucoup plus modernes adaptés aux nouvelles automotrices constituées d'un ensemble de deux locomotives placées à chaque extrémité d'un certain nombre de caisses, le tout étant indissociable. Difficile dans ces conditions de les faire entrer dans une rotonde qui était à l'origine destinée à l'entretien des locomotives à vapeur.
Ces nouveaux bâtiments, appelés « Technicentres », sont financés eux aussi par les régions qui en sont désormais les nouveaux propriétaires et les mettent à la disposition du prestataire qu'elles ont désigné.
Pour la ligne Marseille-Nice par exemple, le vieux dépôt de Marseille-Blancarde dans lequel la SNCF continuait d'entretenir ses trains a été remplacé par un technicentre flambant neuf, construit près de la gare de Nice et mis à la disposition de Transdev.
Mais alors, dans un contexte où il n'y a plus d'argent, on peut légitimement se poser la question de comment tout ceci est financé ?
Hé bien, au dire des régions, ce sont les économies réalisées sur les contrats de prestation signés pour 10 ans avec les nouvelles entités qui permettent ces investissements à la fois dans les nouveaux matériels roulants et les nouveaux bâtiments dédiés à leur entretien.
Une affirmation qu'il conviendra bien sûr de surveiller de près, car cette équation ne peut résister que si les coûts d'exploitation n'explosent pas pour une raison ou pour une autre dans la décennie à venir.
L'ouverture à la concurrence des Transports Express Régionaux entraîne donc une profonde mutation du paysage ferroviaire français. Son onde de choc n'a pas fini de se propager et de s'amplifier.
Mais pour autant, il n'est pas dit que la SNCF s'en sorte si mal.
Même si elle n'a pas gagné tous les appels d'offres lancés par les régions, même si après Transdev, un nouveau concurrent, RATP Dev vient de s'imposer face à elle pour exploiter en Normandie, les lignes de l'étoile de Caen, il n'est pas certain que la vitesse à laquelle les choses se mettent en place soit si défavorable que ça à la SNCF.
Il vaut mieux prendre son temps pour avoir quelque chose de solide, parce que le ferroviaire, ça ne s'invente pas. C'est un monde complexe et donc ça demande du temps, ça demande des moyens. C'est pour ça que cette accélération là, des appels d'offres à venir, c'est peut-être favorable à la SNCF, mais peut-être pas forcément favorable à la concurrence.
Comme quoi, ce n'est peut-être pas encore tout à fait la fin pour les TER de la SNCF, mais l'entreprise est aussi mise en concurrence sur ses autres activités, en particulier la grande vitesse, comme je vous l'expliquais dans cet autre décryptage.
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