Le Petit Train de l'Yonne

(Massangis)

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Le Petit Train de l'Yonne (Massangis)

Transcription :

Une balade en Bourgogne aujourd'hui dans la vallée du Serein, à bord du Petit Train de l'Yonne, le jour de la fête organisée pour son 30ème anniversaire. Un Chemin de fer Touristique dont le parcours reprend une partie de celui d'un ancien Tacot départemental. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

Le Petit Train de l'Yonne prend son départ en gare de Massangis, dans le nord de la Bourgogne. Il circule sur les traces laissées par un ancien Chemin de Fer Départemental qui reliait Migennes à l'Isle-sur-Serein en passant par Chablis et une 20 aine d'autres communes. Il a fait ses premiers tours de roues en 1887, connu quelques années fastes voyant passer plus de 150 000 passagers. Mais outre son rôle premier de moyen de transport, il était aussi considéré comme étant une très efficace agence matrimoniale. S'arrêtant dans toutes les gares pour charger et décharger les marchandises, les voyageurs avaient largement le temps de faire connaissance. Il fallait même deux jours, pour aller de l'Isle-Sous-Serein à Paris en train. Avec l'effondrement du trafic tant voyageur que marchandise dans l'immédiate après-guerre, le Chemin de Fer Départemental de la Vallée du Serein cessa toute activité à la fin de l'année 1951. Il aurait pu totalement sombrer dans l'oubli, si au cours d'une partie de pêche, un groupe d'amis n'avait fait la découverte de coupons de rails enfouis dans la végétation. Ce fut le point de départ de la création de l'Association du Train à Petite Vitesse de Massangis. 30 ans plus tard, pourtant devenu un acteur majeur du tourisme dans la vallée du Serein, le Petit Train à bien failli ne pas passer l'année 2017. La vétusté d'une partie de sa voie a conduit le préfet de l'Yonne à ordonner la suspension des circulations. Il a fallu de nombreuses tractations avec les élus et une manifestation lors du passage de la course Paris-Nice à proximité pour qu'une solution soit trouvée. Massangis a racheté une partie des terrains, la communauté de communes du Serein a repris la compétence Entretien des rails et pris en charge les travaux de terrassement et de renouvellement de la voie sur la section la plus détériorée. Les circulations ont pu reprendre, et une nouvelle édition de la fête du tacot a pu se dérouler normalement en juillet et donner lieu à la célébration des 30 ans de l'association pour la plus grande joie des touristes et des bénévoles qui trouvaient là une nouvelle occasion de raconter l'histoire du site qu'ils portent à bout de bras.

Il y avait un train à l’endroit précis où nous nous trouvons, il y avait un chemin de fer départemental d’écartement d’1 mètre qui reliait Laroche-Migennes, à environ 70 km d’ici, jusqu’au terminus de la ligne qui était Isle-sur-Serein, donc la ligne faisait pratiquement 80 km. Evidemment, aujourd’hui le chemin de fer touristique sur lequel nous nous trouvons n’a pas été reconstruit à l’identique puisqu’aujourd’hui nous sommes sur un écartement de 60 cm sur un chemin de fer qu’on appelle Decauville. Aujourd’hui nous allons accueillir au regard de la fréquentation entre 700 et 800 personnes et il faut savoir qu’en-dehors de cette fête le train circule tous les dimanches et jours fériés du 8 mai jusqu’aux journées du patrimoine. Le train, bien évidemment a été construit pour transporter tout d’abord les voyageurs parce qu’il faut bien penser qu’à l’inauguration du train en 1887, cette vallée du Serein, le Serein c’est la rivière qui coule dans la vallée, les gens pour se déplacer avaient principalement leurs pieds et les gens qui avaient un peu plus d’argent avaient une charrette avec des ânes et des mules et pour ceux qui avaient encore plus d’argent ils avaient en général un cheval avec un cabriolet. Quand ce train est arrivé dans la vallée du Serein ça a été la révolution parce que pour se déplacer on mettait beaucoup moins de temps, quoi que c’était relatif puisque pour faire la distance entre Massangis et Chablis à l’époque, il y a 25 km entre les deux gares, il fallait entre 2h30 et 3h. Pourquoi ? Parce que le train circulait entre 8 et 10 km/h, c’était des locomotives à vapeur qui tiraient en général des voitures de voyageurs mais aussi des wagons de marchandises puisque les trains étaient mixtes à l’époque et on savait en général quand le train partait mais on ne savait jamais trop à quelle heure il arrivait, parce que le train s’arrêtait dans toutes les gares, les voyageurs montaient, descendaient, ça allait relativement vite mais ce qui se passait aussi c’est qu’il fallait monter et descendre les marchandises et ça prenait plus ou moins de temps. L’histoire dit qu’il y avait des ânes de temps en temps qui étaient désobéissants, qui ne voulaient pas monter dans le train donc ça prenait des heures pour charger le tacot, puisqu’on appelait le chemin de fer départemental à l’époque, ici dans l’Yonne « le tacot », mais aussi dans tous les départements français puisque ces chemins de fer départementaux s’appelaient les tacots.

Des tacots qui devaient leur surnom à leur très petite vitesse de croisière, mais qui néanmoins ont joué un rôle économique majeur dans le développement des régions qu'ils traversaient en prenant en charge le transport des voyageurs, mais surtout celui des marchandises.

Il y avait 3 marchandises principales : il y avait le vin, le vin de Chablis puisque la ligne passait à Chablis, alors on chargeait les tonneaux de vin à Chablis, on les emmenait jusqu’à Laroche-Migennes qui était le terminus de la ligne, à Laroche-Migennes il y avait un problème parce qu’on déchargeait les tonneaux pour les charger sur les trains du PLM à l’époque, qui était l’ancêtre de la SNCF on va dire ça comme ça, parce qu’il y avait incompatibilité d’écartement entre les deux réseaux, puisque le réseau à l’époque avait été construit à l’écartement d’1 mètre et les voies SNCF étant plus larges, on était obligés de transvaser les tonneaux d’un train à un train. Et il y avait un autre moyen, parce qu’à Laroche-Migennes coule l’Yonne, l’Yonne se jetant dans la Seine on emmenait aussi les tonneaux de vin à l’époque par voie fluviale jusqu’à Paris et plus précisément jusqu’à Bercy. On transportait aussi la pierre puisqu’on est dans une région de carrières de pierres, il en subsiste une en exploitation ici à Massangis et à l’époque c’est des millions de tonnes de pierres qui ont transité par le tacot et aussi par les voies du PLM et la voie fluviale pour emmener ces pierres principalement jusqu’à Paris mais aussi bien ailleurs, puisque la pierre a été envoyée en Belgique et aux Pays-Bas. A titre d’anecdote, les pieds de la tour Eiffel aujourd’hui sont habillés en pierre de Massangis ainsi que de nombreux monuments à Paris qui sont construits en totalité ou en partie avec ces pierres de Massangis. Elle a une caractéristique cette pierre, c’est une pierre calcaire et parmi toutes les pierres calcaires c’est une pierre qui ne gèle pas, c’est pour ça qu’on l’a utilisée énormément pour la construction des ponts et aussi des écluses. Troisième chose qu’on transportait : il faut bien penser que dans les années 1880 on se chauffait principalement au bois, le charbon est arrivé un peu après, et nous sommes dans une région forestière, nous sommes à 25 km du Morvan à peu près, tout autour de nous il y a des forêts de chênes et de hêtres qui ont servi pendant des années à chauffer toute la région parisienne et comme pour la pierre et pour le vin, on emmenait tout ça sur le tacot, jusqu’à Laroche-Migennes, et ça partait à Paris. Voilà en quelques mots l’histoire de ce tacot qui a circulé jusqu’au 31 décembre 1951 pour être précis. C’est un autorail qui a circulé, un autorail Billard à l’époque et on a eu la chance dans notre association quelques années en arrière d’avoir comme membre le dernier conducteur qui a conduit cet autorail sur cette ligne, donc en 1951 et c’était toujours émouvant de le voir conduire notre train touristique parce que ça lui remémorait à chaque fois son jeune temps, quand il conduisait son autorail.

Entre la fermeture de la ligne en 1951, et la réouverture de la section entre Massangis et Civry par l'Association du Train à Petite Vitesse de Massangis dans les années 90, c'est une très longue parenthèse d'une quarantaine d'années qui s'est ouverte.

Il faut bien s’imaginer que le département de l’Yonne qui était propriétaire du réseau l’a fermé en 1951, s’est empressé de démonter toute l’infrastructure pour que les gens de la vallée ne manifestent pas leur mécontentement, donc toute la voie a été enlevée, démontée, le matériel roulant pour la plupart a été ferraillé ou envoyé sur d’autres réseaux qui existaient encore et n’est resté de visible aujourd’hui du tacot que les gares, puisque les gares on les devine tout au long du parcours. Les ouvrages d’art, le principal nous avons la chance de l’avoir sur la ligne, nous on l’appelle le viaduc de [9 :30 : Champréo], c’est un pont en pierres sur lequel le train passe à quelques mètres d’ici. 30 ans effectivement se sont passé avant la construction du chemin de fer touristique, il faut bien imaginer qu’à l’endroit où nous nous trouvons, la nature avait repris ses droits, la forêt avait poussé, et une équipe de joyeux drilles je dirais à l’époque puisque la construction du chemin de fer est partie d’une partie de pêche, ces gens-là ont trouvé dans des fourrés un lot de rails Decauville, on se situe à la fin des années 80, et se sont dit « tiens, pourquoi ne pas construire un chemin de fer touristique ? » il y a beaucoup de chemins de fer touristiques qui ont été construits à cette époque et ils sont partis de là, sur un lot de rails, il devait y voir 50 mètres de rail et ont construit tout ce qui existe aujourd’hui, ce chemin de fer touristique qui existe aujourd’hui sur environ 2 km et nous avons cette particularité, on doit être le seul chemin de fer en France à être construit uniquement en matériel Decauville. Ça a ses avantages parce que ça reste relativement léger comme voies donc on peut faire des travaux assez facilement à bras d’hommes. Sauf qu’aujourd’hui, la voie, pour la plupart des tronçons est plus que centenaire et nous occasionne de gros travaux d’entretien, de soudure notamment, d’éclissage et demain malheureusement cette voie disparaîtra au profit d’une voie montée sur traverses bois et rails de 15 km. C’est les voies que vous pouvez apercevoir à l’entrée, vous avez 500 mètres de voie prête à poser, à l’entrée de l’association, à l’entrée de la gare.

Côté matériel roulant, le public voyage à bord de l'une des deux rames composées chacune de quatre voitures couvertes de 12 places qui ont été fabriquées par l'association. 4 locotracteurs se relayent pour les tracter.

Nous avons 4 locomotives actuellement en état de fonctionnement. Nous avons l’ancêtre, le locotracteur campagne qui date de la guerre de 14, tout du moins le châssis, c’est l’ancêtre, on l’appelle l’ancêtre, c’est une locomotive qui a plus d’un siècle maintenant, qui a été remotorisée avec un moteur Ceres, qui a été entièrement rénové l’année dernière au niveau motorisation et boîte de vitesse, donc elle est toute neuve. Nous avons un locotracteur CACL qui a le même moteur Ceres, qui lui a été récupéré dans des carrières de pierres pas très loin d’ici, à côté d’Auxerres. Un petit locotracteur Deutz qui est actuellement en révision, on est en train de refaire intégralement le moteur, et qui provient d’une carrière de pierres à côté de Vichy, exactement à Cusset et la dernière locomotive arrivée sur le réseau c’est un locotracteur belge Moës qui lui aussi a été récupéré à l’état d’épave chez nos amis du chemin de fer à Toucy et qui a été entièrement rénové par les membres de l’association mais aussi grâce à nos amis belges avec qui nous sommes jumelés, c’est le chemin de fer de Sprimont, qui nous a été dans cette rénovation, notamment dans le prêt de documentation technique.

Chaque année à l'occasion de la fête du tacot, un membre de l'association du Chemin de Fer de Sprimont vient d'ailleurs manœuvrer l'une des locomotives du Petit Train de Massangis, qui est la sœur jumelle de l'une de celles préservées au Musée Vivant d'Archéologie Industrielle Minier et Carrier de Sprimont. Des locotracteurs qui ont comme point commun d'avoir été fabriqués dans une usine près de Liège.

Les locomotives sont fabriquées à Waremme, à côté de Liège, c’est pour cela que quand l’usine a été fermée, l’association a récupéré énormément de pièces détachées mais aussi toute la documentation technique concernant les machines, et nos amis belges en possèdent je dirais 3 ou 4 en état de fonctionnement et une dizaine à rénover.

Au-delà des aspects purement ferroviaires, si le Petit Train de Massangis a pu fêter ses trente ans et sortir d'une crise qui aurait bien pu l'amener à mettre la clé sous la porte, c'est certainement en grande partie grâce aux efforts déployés par les membres de l'association, pour inscrire leur offre de loisirs dans une proposition plus globale d'activité à faire dans la vallée du Serein. En témoigne cette fête annuelle, conçue comme une fête patronale autour du train. Circulation à volonté toute la journée, nombreuses attractions et animations, jeux, spectacles, méchoui, et pour finir circulations nocturnes et grand feu d'artifice à minuit. Au total, sur cette seule journée, ce sont plus de 700 passagers qui sont accueillis à bord du train sur les 3500 transportés annuellement.

Et pour finir cette petite anecdote qui nous est arrivée en fin de journée. Alors que nous nous trouvions à bord du tout dernier train de l'après-midi, avant la coupure du repas et la reprise des circulations des trains de nuit à 22h30, un gros nuage est passé au-dessus de Massangis et de très grosses gouttes de pluie se sont mises à tomber alors que nous venions d'arriver en bout de ligne. Le chef de train et le mécano ont par conséquent pris la décision de nous mettre à l'abri, en faisant entrer la rame dans le hangar où elle est habituellement remisée. Heureusement, l'averse fut de courte durée, et c'est de nouveau sous un rayon de soleil, que nous avons pu rejoindre Massangis. Le locotracteur a bien patiné un peu sur le rail mouillé, mais rien de bien méchant.

Le Petit Train de l'Yonne circule chaque année du 8 mai aux journées du patrimoine, vous trouverez plus d'informations sur son site internet lepetittraindelyonne en un seul mot .fr, et très prochainement dans le guide Aiguillages du tourisme et des loisirs ferroviaires.

La semaine prochaine, nous retournerons à l'exposition Rail Océan pour une présentation du réseau d'exposition du club organisateur le Rail Miniature Nantais.

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