Les CC72000
de la SNCF
Les CC72000 de la SNCF
Transcription :
Pour beaucoup, ce sont les plus belles des locomotives diesels de la SNCF, les grosses bleues au nez cassé ont sillonné pendant plus de 40 ans la plupart des grandes lignes non électrifiées de l'hexagone, prenant souvent place en tête de grands express reliant les villes françaises et même Suisses. Elles incarnent la figure mythique de la modernisation du réseau ferré français dans les années 60. Forcément, elles ont été reproduites en modèles réduits à à peu près toutes les échelles, mais aussi, et c'est plus original, en beaucoup plus gros puisqu'un immeuble a été construit à leur effigie. Je vous raconte tout ça dans cette vidéo. Bonjour et bienvenu dans Aiguillages.
Au milieu des années 60, la SNCF est toujours confrontée à la même problématique, il s'agit de trouver une solution pour remplacer efficacement les locomotives à vapeur encore nombreuses en service sur ses lignes. Or, l'électrification coûte cher et ne peut pas être réalisée du jour au lendemain. Quand aux premières locomotives diesels, elles sont loin d'être à la hauteur des performances enregistrées par les plus puissantes des machines à vapeur. C'est dans ce contexte qu'à la toute fin de l'année 1965, la SNCF passe commande d'une nouvelle série de locomotives diesels de puissance, les CC72000. Les ingénieurs ne partent pas de zéro, cette nouvelle série de machines reprendra l'esthétique des CC40100, leur pupitre de commandes, leurs boggies, et des CC7100, leur transmission.
Au premier abord, il peut paraître surprenant qu'une locomotive diesel partage autant de points commun avec une locomotive électrique, on pourrait se dire, qu'à priori, elles n'ont rien à voir l'une avec l'autre, mais c'est qu'en fait, les CC72000 sont des locomotives diesel-électriques.
Une locomotive diesel électrique, c'est une machine dont les roues sont entrainées en bout de chaîne par un moteur électrique. Elle transporte à son bord un très gros groupe électrogène en quelques sorte. Son moteur, alimenté en gasoil, sert à entrainer un alternateur qui lui même produit un courant électrique triphasé, transformé ensuite en 1500 volts continu, qui vient alimenter les moteurs servant à entrainer les roues. Il y en a un par bogie.
A cette époque, la commande d'une nouvelle série de locomotives coïncide avec des recherches que fait la SNCF pour améliorer les engins qui existaient précédemment. Concernant les CC 72000, la grande innovation, c'est l'introduction d'un nouveau moteur.
Un plutôt que deux d'ailleurs, puisque précédemment la recherche de puissance se faisait en installant deux moteurs sous le capot des machines. Avec les CC72000, la SNCF souhaitait revenir à un seul, mais beaucoup plus puissant que ceux installés dans les engins des générations précédentes. Celui choisi pour les CC72000 a été mis au point par la SACM, la Société Alsacienne de Construction Mécanique, alors basée à Mulhouse. Il s'agit d'un AGO 16 cylindres en V, dérivé des moteurs 12 cylindres qui équipaient les locomotives de la série A1A A1A 68500. Ces nouveaux moteurs développaient un puissance de 3000 chevaux, équivalente à celle des 231 P, mais pour autant pas encore en capacité de rivaliser avec les 241P. Commandées à 92 exemplaires, ces machines seront fabriquées par Alsthom et dessinées par le célèbre Paul Arzens, déjà responsable de l'esthétique des CC 40100.
Les CC72000 seront du coup, la deuxième série de nez cassez de la SNCF.
Une disposition qui outre d'indéniables qualités esthétiques, présente également l'intérêt de diminuer les reflets qui peuvent se produire sur le pare-brise, mais aussi par sa forme proéminente à l'avant de mieux protéger le conducteur, en cas de choc. Paul Arzens, est également l'auteur de la première livrée bleue soulignée d'une élégante flèche blanche. Silhouette et livrée signent alors toute la modernité et la puissance incarnée par ces machines.
La première sera livrée au dépôt de Rennes au printemps 1967.
91 autres suivront, la dernière étant mise en service en 1974. Ces machines feront l'objet de deux sous-séries. Les 20 premières partagent la caractéristique commune d'être apte à 140 km/h seulement, alors que les suivantes le seront à 160. Les CC72000 deviendront ainsi les locomotives diesels-électriques les plus puissantes et les plus rapides que la SNCF n'ait jamais mises en service. A titre expérimental, l'une d'entre elle, la CC72075 à sa sortie d'usine sera dotée d'un nouveau moteur SEMT Piesckick. Celui-ci développe une puissance de 4200 chevaux, qui sera portée à 4800 après quelques modifications sur ses injecteurs et sa vitesse de rotation. Cette locomotive là remportera le titre de machine diesel la plus puissante d'Europe occidentale. Gagner quelques chevaux était fondamental pour pouvoir tracter des trains plus lourds ou en augmenter la vitesse moyenne.
Une chose que vous ne soupçonniez peut-être pas, est qu'entre prendre de la vitesse et assurer le confort des voyageurs en maintenant une température agréable dans les voitures, à cette époque, il fallait choisir.
Tractionner, c'est à dire fournir un effort d'accélération dans le jargon ferroviaire, et maintenir une température par le chauffage dans les voitures sont deux activités qui sont fortement consommatrices en énergie, et les aiguilles des ampèremètres en cabine ont tôt fait de grimper lorsque le conducteur commande l'une ou l'autre. C'est ainsi que lorsqu'un train décollait, au sortir des gares le chauffage était momentanément coupé dans les voitures, il pouvait être rétabli lorsque le convoi avait atteint sa vitesse de croisière. Mais par la suite, le conducteur devait souvent jongler entre redonner un petit coup d'accélérateur pour ne pas trop perdre de vitesse, et maintenir l'effort de chauffage, ce qui demandait un certain doigté dans la conduite. Mais la situation était pire dans les trains tractés par des locomotives de générations antérieures, où là chauffage correct et maintien d'une vitesse élevée n'étaient tout simplement pas compatibles.
Oui, les trains en hiver perdaient parfois plusieurs minutes sur leurs temps de parcours parce-que pour que les voyageurs puissent bénéficier d'une douce chaleur à leur place, le conducteur devait réduire de plusieurs kilomètres heure sa vitesse pour ne pas dépasser l'intensité maximale admise par le moteur de sa locomotive.
Les CC72000 se révèleront être d'excellentes machines et elles seront engagées sur de très nombreuses relations, étant souvent placée en tête des grands express de la SNCF : Le Jules Verne entre Paris et Nantes, l'Arbalète entre Paris et Zurich, par Bâle, le Ventadour entre Bordeaux et Clermont-Ferrand, via Brive-la-Gaillarde, mais aussi le Bourbonnais, l'Arverne, le Cévenol ou encore le Thermal. On verra ces machines sur presque toutes les lignes non électrifiées du réseau ferré français.
Trois machines de la série des 72000, seront affectées à un service très particulier. Elles auront pour mission de tracter le TGV entre Nantes et les Sables d'Olonnes.
Pour éviter une rupture de charge, c'est à dire d'imposer aux voyageurs à destination de la Vendée de changer de train en gare de Nantes, les TGV ne pouvant aller plus loin, puisque la ligne n'était pas électrifiée au delà, trois CC72000 les numéros 61, 62 et 64 seront équipées d'un attelage automatique compatible avec celui du Train à Grande Vitesse, de façon à pouvoir les prendre en remorque jusqu'à leur destination finale. Une situation qui n'existera que quelques années entre 1998 et 2004. Une série d'une 30aine de machines subira une transformation beaucoup plus radicale. Elles seront équipées d'un nouveau moteur et renumérotées 72100. Il s'agissait d'une part d'essayer de nouveau de gagner quelques chevaux, mais surtout de faire face aux contestations de plus en plus nombreuses des riverains de la gare de l'Est qui subissaient les fumées des machines dont le moteur continuait à tourner alors qu'elles stationnaient en gare.
Mais le bilan de cette remotorisation se révèlera être plutôt mitigé.
La SNCF se déclarera déçue par la fiabilité du nouveau moteur, et ces locomotives commençant à prendre de l'âge, leur coût de maintenance ne cessait d'augmenter, et surtout, le niveau de pollution s'avérait dépasser désormais les normes autorisées par l'UIC, l'Union Internationale des Chemins de fer. Déjà, le choc pétrolier de 1973 avait donné le coup d'arrêt dà la fabrication de cette série de locomotives, plutôt gourmandes en gasoil. Elles consommaient entre 3 et 7 litres au kilomètre. Au tournant des années 2010, leur fin de carrière est amorcée. Outre quelques machines qui avaient déjà été réformées à la suite d'accidents, c'est cette fois-ci une grande partie du parc qui est voué à partir à la retraite. 6 seront vendues aux Chemins de Fer Marocains. La CC72029, en livrée fret a dores et déjà rejoint la Cité du Train de Mulhouse, elle devrait être suivie par la CC72084 qui pour l'heure continue d'assurer quelques services spéciaux, quand à la CC72064 elle est désormais préservée par l'ARCET et devrait se retrouver en tête de trains spéciaux lorsque le long processus de remise en état et d'obtention des autorisations nécessaires auront aboutis.
Je vous ai présenté dans plusieurs reportages diffusés dans Aiguillages l'avancement des opérations de sauvegarde de cette locomotive, mais au cas ou vous les ayez raté, je vous en refais un petit historique rapide.
La CC72064 a été mise en service au dépôt de Vénissieux, l'un des quatre à avoir recç des CC72000 avec ceux de Chalindrey, Nevers et Rennes, en 1971. Elle a fini sa carrière en décembre 2009 après 38 ans de service et plus de 5 millions 900 000 km parcourus. En 2011, elle a été mise à la disposition de l'ARCET par la SNCF en vue de sa restauration et de sa sauvegarde. L'association a réussi à la faire redémarer en 2015, puis l'a remise en peinture dans sa livrée bleue d'origine. Ces dernières années ont été consacrées à de gros travaux qui ont notamment consisté à remplacer de l'un des turbo, opération qui ne pouvait se faire que dans un atelier équipé pour cela. Elle a donc été transférée à Chalindrey. Il n'y a du coup pratiquement plus de CC72000 en circulation sur le réseau ferré français, et lorsque la dernière de ces machines aura été retirée du service, c'est tout une page de l'histoire de la traction diesel en France qui va se tourner.
La mémoire des CC72000 sera donc entretenue par la Cité du Train et l'Arcet, mais aussi, et de manière beaucoup plus inattendu par un bâtiment qui en reproduit la forme et en reprend la livrée bleue.
Clin d'oeil à l'histoire ferroviaire de la ville de Sotteville les Rouen, la résidence CC abrite un ensemble de logements sociaux implantés en plein cœur de la zone d'activité ferroviaire de la ville. 33 appartements ont été aménagés dans ce bâtiment à l'esthétique pour le moins surprenante, qui rappelle néanmoins très bien les lignes de la locomotive qui l'a inspiré, bien qu'il est bien sur fallu ménager des ouvertures les fenêtres qui lui donne cet aspect d'un gros Lego.
Et vous qu'en pensez-vous ? Connaissez-vous d'autres bâtiments qui reprennent la forme d'une locomotive ? Dites-le moi en commentaires, et racontez-moi votre relation avec les CC72000. Il y a de fortes chances que cela soit des locomotives qui vous rappelle des souvenirs, vous les avez peut-être même conduites, n'hésitez pas à enrichir ce reportage en me racontant tout ça, je vous lirai avec intérêt. Cet épisode fait partie d'une série consacrée au matériel moteur de la SNCF, si vous souhaitez en voir les autres numéros, vous pouvez cliquer sur la vignette qui s'affiche maintenant, et je vous retrouve lundi sur la chaîne Aiguillages modélisme, si vous vous intéressez au modélisme ferroviaire, et ici même jeudi, pour partager avec vous, mes plus récentes découvertes ferroviaires.
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