Les X2800 de la SNCF
Les rois des montagnes !
Les X2800 de la SNCF Les rois des montagnes !
Transcription :
On les appelait les rois des montagnes, les X2800 sont des autorails de la SNCF dont les premiers exemplaires ont été mis en service à la fin des années 50. Ils ont circulé à peu près de partout sur les lignes secondaires du réseau ferré national, mais c'est sur les parcours les plus escarpés qu'ils attaquaient sans complexe en faisant rugir leur célèbre moteur MGO, qu'ils se sont rendus les plus indispensables. Leur carrière aura duré plus d'un demi-siècle, et ce n'est qu'au début des années 2000 que les derniers exemplaires de cette série finiront par tirer leur révérence pour céder leur place à une nouvelle génération d'autorails.
Mais comme on va le voir dans cette vidéo, il n'aura pas été si simple de les remplacer. Alors qu'est-ce qui a fait leur spécificité, leur singularité, où ont-ils roulé ? Où plutôt, et ce sera beaucoup plus simple, où n'ont ils jamais été, sachant qu'il n'y a curieusement une région française qui n'en a pratiquement jamais vu circuler. En quoi étaient-ils d'une conception révolutionnaire pour l'époque et surtout que sont-ils devenus, voilà quelques unes des questions auxquelles je vous propose de répondre dans ce nouvel épisode de la série consacrée au matériel roulant de la SNCF. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
Comme toujours, pour comprendre la genèse d'un nouveau matériel roulant, il faut se replonger dans le contexte de l'époque. Dans les années d'immédiate après-guerre, la SNCF avait besoin de nouveaux autorails pour remplacer ceux détruits durant le conflit, et ceux hérités des anciennes compagnies, qui constituaient un parc plutôt hétéroclite. Elle lance en 1947 un programme de construction de 3 nouvelles séries d'engins automoteurs unifiés, se différenciant par leur puissance. Les X5500 et 5800 dotés de moteurs de 150 chevaux, les X3800 de 300 chevaux, et enfin les X2400 de 600 chevaux.
Petit détail qui a son importance, à ce moment là, un moteur diesel de 600 chevaux ça n'existe pas, on en prend donc deux de 300 pour équiper les X2400.
Les engins appartenant à cette série et aux deux autres sont entrées en service au début des années 50 pour assurer essentiellement des dessertes omnibus locales. Pour la couverture de plus grandes distances, comptant moins d'arrêts, la SNCF a conçu à partir des X2400, des Rames à Grand Parcours. Elles étaient constituées d'une motrice et d'une remorque, les deux éléments étant associés de façon permanente. Cette composition sera baptisée RGP2. RGP pour Rames à Grand Parcours et 2 parce-que ces engins étaient équipés de deux moteurs de 300 chevaux, les mêmes que ceux dont étaient dotés les X2400.
Mais dans un domaine pourtant assez éloigné du monde ferroviaire, une petite révolution va se produire : la mise au point d'un moteur diesel beaucoup plus puissant que ces prédécesseurs : le MGO.
A l'origine, il est conçu pour équiper les groupes de pompage de l'industrie pétrolière au Sahara, mais ce qui le rend particulièrement intéressant pour un moteur diesel, c'est sa puissance jusque là inégalée : 825 chevaux. Il est mis au point par deux ingénieurs messieurs Grosshaus et Ollier. Le premier en a esquissé les schémas alors qu'il travaillait pour les usines Renault, mais la régie nationale ayant annoncé la fin de sa production pour l'industrie ferroviaire, c'est au sein d'un autre groupe industriel que ce moteur verra le jour, la MAREP, Société de Matériel et de Recherche Pétrolière. Il sera de ce fait baptisé Marep – Grosshauss et Ollier, ou plus simplement MGO. Plusieurs modèles seront conçus et des prototypes testés, dont un adapté à l'industrie ferroviaire. Celui-ci est monté sur un autorail de type ADP de chez Renault, l'X4103, puis sur une locomotive de manœuvre. Les essais se révélant concluant, la production en série est lancée, et ce moteur équipera de très nombreuses locomotives diesels de part le monde. Il équipera également des Rames à Grand Parcours à partir de 1955. Celles-ci n'étant plus dotées que d'un seul moteur, seront baptisées RGP1.
Mais aux côtés de cette game d'engins automoteurs qui ne cesse de s'étoffer, la SNCF éprouve le besoin de disposer d'un engin puissant, à caisse unique pour ce qu'elle appelle les Services Courants.
En reprenant le concept des RGP, en en transformant la partie motrice pour l'adapter à un autorail à caisse unique doté d'un seul bogie moteur, elle lance la production des premiers X2800. Sur ces nouveaux engins, le moteur MGO est associé à la boîte hydromécanique « Mekydro » conçue par le constructeur allemand « Maybach », un couple qui permettra de donner naissance à des autorails de fortes puissances particulièrement adaptés aux lignes de Montagne. La commande est passée à Decauville pour la fourniture des autorails X2801 à 16 entre 1955 et 1960, puis une nouvelle à Renault qui produira le reste de la série de l'X2817 à l'X2919 qui entreront en service entre 1957 et 1962. Ces nouveaux autorails assureront principalement des dessertes omnibus ou express, pour l'essentiel en province, même si quelques X2800 ont côtoyés les gares parisiennes.
En fait il n'y a véritablement qu'une seule région que les X2800 n'ont jamais fréquenté : c'est le Nord.
Les compositions dans lesquels ils pouvaient être intégrés étaient à l'origine assez diverses. On en a vu tractant des remorques d'autorails unifiés, mais aussi des voitures DEV, UIC ou OCEM. Certains de leurs services les amenant à convoyer ces véhicules détachés de trains à long parcours, pour les acheminer jusqu'à leur destination finale au bout d'une ligne secondaire. En plaine, on pouvait les voir entrer dans des compositions comptant jusqu'à 6 caisses, dont 4 remorques. Les deux automoteurs étant placés à chaque extrémités, ce qui permettait la réversibilité. Ils étaient couplables entre eux ou avec les X2100 et 2200, jumelables avec d'autres séries. Mais c'est surtout en montagne qu'ils développaient leur plein potentiel, reprenant les services les plus difficiles sur les lignes du Lioran, des Cévennes, de Grenoble à Veynes, dans la vallée de la Maurienne, entre Andelot et la Cluse, et d'autres lignes du Haut-Jura où ils finiront d'ailleurs leur carrière.
Comme dans toute série, les X2800 connaîtront des évolutions au fil de leur carrière, et quelques uns d'entre ces autorails sortiront du lot.
C'est le cas d'une 12 aine d'entre eux qui pour assurer des services de correspondance avec des trains rapides, dont le Drapeau, réalisant la liaison Paris-Bordeaux, seront exclusivement aménagés en première classe. Leur capacité passant alors de 74 à 48 places assises. Parmi eux, 7 se verront attribuer une livrée vert clair et jaune paille pour assurer une relation baptisée « Aunis » entre Poitiers et la Rochelle, mais curieusement, on retrouvera aussi des autorails revêtant cette livrée sur la ligne de la Maurienne. Finalement les rois de la Montagne vont se voir affublés d'un nouveau surnom après une opération de modernisation intervenue à mi-vie.
Janvier 1976, le président de la république française s'appelle Valéry Giscard d'Estaing, il est Auvergnat et difficile de ne pas y voir le lien, sa région d'origine va bénéficier d'un vaste plan de désenclavement.
D'un point de vue ferroviaire, elle se voit dotée d'une série de remorques neuves, les XR 6000. Ce sont des véhicules qui ont été construits par les ANF, les Ateliers du Nord de la France pour remplacer les anciennes remorques unifiées produites par Decauville. A l'origine, elles étaient destinées à être associées à des X2100 et 2200. Parallèlement à cette dotation, la modernisation d'une partie des X2800, ceux circulant dans la région, est programmée. Pour s'harmoniser avec les remorques nouvellement arrivées, ils perdent leur livrée rouge et crème et optent pour le bleu et blanc. Cette rénovation dite « Massif Central » ne concerne néanmoins pas que l'aspect extérieur de ces autorails, leur intérieur est également modernisé. Les classiques banquettes marrons sont remplacées par des sièges individuels, la décoration est repensée, et des rideaux du même type que ceux équipant les vitres des voitures corails, sont installés. L'opération donnant pleine satisfaction, elle sera étendue à l'ensemble des X2800 en circulation dans tout le pays. La région par laquelle cette modernisation est venue et le choix de la livrée bleue, vaudront naturellement aux rois de la montagne, un nouveau surnom. Ils deviendront dès lors, les « Bleus d'Auvergne ». Pour remplacer dans le milieu des années 90 les turbotrains de type ETG que la SNCF souhaitait retirer de la circulation, une 15 aine d'X2800 se verront modifiés, pour être aptes à la vitesse de 140 km/h, au lieu des 120 auxquels ils étaient cantonnés.
Mais l'arrivée de deux nouvelles séries d'autorails plus modernes les X72500 et 73500 va à son tour sonner le glas de la présence des X2800 sur le réseau ferré national.
Le retrait de la circulation de la série est programmé dès 1995, il sera néanmoins retardé du fait de problèmes de fiabilité rencontrés avec les engins censés les remplacer. C'est ainsi que les derniers X2800 qui ne devaient circuler que jusqu'en 2003, feront finalement leurs deniers tours de roue en 2009. Les deux deniers ont roulé entre Besançon et le Valdahon sur la ligne Besançon-La Chaux-de-Fond. Et la toute dernière relation commerciale d'un X2800 a été effectuée sur ce même parcours le 6 avril 2009. Depuis, cette date, il faut compter sur les associations de préservation de matériel roulant, pour pouvoir ré-entendre, le mugissement si caractéristique du moteur MGO, et pour le plus grand bonheur des amateurs, elles sont assez nombreuses à s'être intéressées à ces engins. Citons l'Association des Passionnés de l'X2800 qui a joué dans le domaine de la préservation des ces autorails un rôle pionnier, elle est basée à Langogne sur la Ligne des Cévennes, mais aussi l'Association des chemins de fer de la Haute-Auvergne, l'Agrivap, le Chemin de Fer du Haut-Forez, l'Association du Train Touristique du Centre Var, les Chemins de Fer du Centre Bretagne, l'Autorail Limousin, et bien sur l'Autorail X2800 du Haut-Doubs dont vous avez pu suivre sur cette chaîne l'épopée de la préservation de l'X2816 au Valdahon, sur le lieu même du retrait de la circulation en service commercial de cette série d'autorails.
Si vous aimez particulièrement les X2800 et que vous souhaitez prolonger le plaisir d'en entendre un mugir sur une ligne de montagne, je vous conseille ce reportage que j'avais tourné il y a quelque temps sur la ligne du Translozérien, on ne peut pas dire que le voyage avait commencé sous le soleil, mais ça avait fini par s'arranger. Racontez-moi sinon en commentaires vos meilleurs souvenirs des X2800, je lirai tout ça avec un grand intérêt avant de vous retrouver tout bientôt sur cette chaîne.
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