La numérotation

des locomotives à vapeur

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La numérotation des locomotives à vapeur

Transcription :

Identifier le matériel roulant a de tous temps été une nécessité pour les entreprises ferroviaires qu'il s'agisse des constructeurs ou des exploitants. Comment en effet suivre efficacement les opérations d'entretien et de maintenance de locomotives, voitures et wagons qui se ressemblent tous et dont le nombre mis en circulation ne cesse d'augmenter ? Comment savoir a tout moment où ils se trouvent et à quels mouvements les affecter ? C'est à cet ensemble de difficultés que la numérotation par série va s'efforcer de trouver des solutions. D'abord propre à chaque entreprise, il a bien fallu finir par réfléchir à une forme de logique, voire de standardisation même si elle est très loin d'être tout à fait aboutie et parfaitement compréhensible par le commun des mortels.

Si ce n'est pas toujours très facile, il existe quand même quelques repères qui permettent de s'y retrouver et je vais m'efforcer de vous en donner quelques uns dans ce nouveau numéro consacré aux locomotives à vapeur et dans de prochains qui s'intéresseront aux autres types de matériels roulants. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

Remontons donc un instant au temps des locomotives à vapeur. En fonction de l'usage qu'il était prévu d'en faire elles ont pu être classées en 5 catégories. Celles destinées à tirer des trains de voyageurs, celles mises en tête de trains de marchandises, celles dont la vocation était mixte, celles destinées à effectuer de courtes dessertes et le cas particulier des locomotives articulées. Ce qui les distingue les unes des autres ? La taille et la disposition de leurs roues. Pour les premières on voulait naturellement privilégier la vitesse. On les dota par conséquent de roues d'un diamètre supérieur à 1 mètre 70, sachant que théoriquement du moins plus une roue est grande plus on peut obtenir une vitesse élevée tout en produisant le même effort de traction. Ce n'est pas un hasard si les premiers vélos avaient de très grandes roues, c'est parce-que c'était la seule solution que l'on connaissait alors pour parvenir à une vitesse satisfaisante sans avoir à pédaler trop vite.

C'est la même chose pour les locomotives à vapeur, sauf que bien sur personne n'a jamais eu à pédaler pour les faire avancer, c'est un piston qui fait des allers-retours pour mettre les roues en mouvements.

A nombre d'aller-retour constant à la minute, la vitesse obtenue est d'autant plus grande que le diamètre des roues est important. Problème, plus la taille des roues grandie plus se produit sur les rails un phénomène dont on se passerait bien. Le patinage. Malheureusement, plus un train est lourd et plus ce phénomène s'amplifie. Les trains de marchandises qui sont ceux qui déplacent les masses les plus importantes devront donc être tractés par des locomotives dont les roues sont plus petites, les condamnant à réduire leur vitesse au profit d'une meilleure adhérence. La plupart des locomotives à vapeur destinées à tracter des trains de fret avaient donc des roues d'un diamètre proche du mètre 50. Pour des raisons d'économie, les compagnie cherchèrent un compromis qui permettrait à leur machines de tantôt être placées en tête de trains de marchandises, tantôt de trains de voyageurs. Celles appartenant à cette famille de locomotives dites mixtes se verront donc équipées de roues dont la taille se situe entre celle des deux précédentes familles, c'est à dire autour de 1 m 60. Enfin, certaines locomotives n'ont n'y pour vocation de tirer de grands express ni d'être placées en tête de lourds trains de marchandises, car il faut bien également assurer des manœuvres ou des trains de banlieues. Leur caractéristique commune ? Ne pas avoir de grandes distance à parcourir. Ces machines là peuvent par conséquent se passer de tender, et embarquer directement dans des soutes l'eau et le charbon dont elles ont besoin.

Mais il n'y a pas que la taille qui compte, il y a aussi le nombre.

Pour obtenir plus de puissance ou une meilleure adhérence, on va multiplier le nombre de roues jusqu'à ce que cela coince au niveau du gabarit. Il va falloir trouver une solution pour arriver à loger ces roues supplémentaires et allonger pour cela encore les locomotives. La solution passera par l'articulation des machines. On trouvera de tels engins aux Etats-Unis en version XXL, ou de plus petites locomotives qui s'adaptent fort bien à des conditions difficiles notamment en montagne. Elles sont pour la plupart à voie métrique, ce qui leur permet de s'inscrire dans des courbes très serrées. Chez nous, le système le plus connu est appelé « Mallet », du nom de l'ingénieur Suisse Anatole Mallet qui en a mis au point le principe. Plus que leur aspect visuel c'est par conséquent le nombre de roues des locomotives et leur disposition qui va permettre de les identifier. Pour cela on distingue les essieux porteurs, des essieux moteurs. Les premiers sont là pour aider à mieux répartir le poids de la machine sur toute sa longueur, les second sont dotés de bielles destinées à entraîner la rotation des roues. C'est sur cette répartition que vont reposer les systèmes de numérotation adoptés par les entreprises ferroviaires. Il existe 4 principales manières différentes d'obtenir cette classification de part le monde. Le système anglo-saxon également employé en Belgique porte le nom de son inventeur : Whyte. Il consiste à compter le nombre de roues de l'avant à l'arrière de la machine en distinguant celles associées à un essieu porteur et celles à un essieu moteur. Le système Suisse fait également la différence entre essieux porteurs et moteurs mais selon une logique différente. Le premier chiffre indique le nombre d'essieux moteurs, le second le nombre total d'essieux. Dans le système allemand les essieux moteurs sont figurés par des lettres, les porteurs par des chiffres, enfin dans le système français, on revient au comptage des roues mais par essieux en énumérant le nombre de ceux qui sont porteurs et de ceux qui sont moteurs dans l'ordre de leur positionnement sur la machine. Concrètement, voilà ce que cela donnerait pour une locomotive comptant deux essieux porteurs à l'avant, puis trois essieux moteurs et enfin 1 essieu porteur à l'arrière. Dans le système Whyte, c'est une 4-6-2, dans le Suisse une 3/6, les deux chiffres étant séparés par une barre oblique, pour les allemands une 2C1 et en France une 231. De façon plus universelle on peut également parler de locomotive de type « Pacific ».

Et oui car certaines séries se verront également attribuer un nom plus facile à mémoriser, en général d'origine américaine.

On va s'intéresser ici aux séries de locomotives les plus prestigieuses de l'ère de la traction à vapeur qui a pris officiellement fin chez nous le 29 mars 1974 avec la circulation ce jour là de la dernière de ces machines en France. Depuis, quelques unes circulent encore ponctuellement en tête de trains spéciaux affrétés par des associations de préservation ou sont en cours de restauration en vue de reprendre un jour du service à ce titre. Vous en trouverez la liste dans le dernier chapitre de mon Guide du Tourisme et des Loisirs Ferroviaires édité par La Vie du Rail, qui est disponible dans toutes les bonnes librairies en ville ou en ligne et sur le site d'Aiguillages www.aiguillages.eu à la rubrique Aiguilloshop.

Parmi les plus grosses machines dont un exemplaire au moins a pu être préservé en état de marche, on compte des 140, 141, 150, 230, 231 et 241.

Les 140 appartiennent à la famille américaine baptisée « Consolidation ». La première série a été construites par Schneider au Creusot, la SACM à Belfort, et Fives-Lille dans le nord de la France pour l'Administration des chemins de fer de l'Etat, les suivantes en Grande-Bretagne en raison de la première guerre mondiale qui provoqua la réquisition des usines françaises pour l'effort de guerre. Ces machines ont surtout circulé dans l'est et l'ouest de la France. Celles préservées et susceptibles d'assurer des trains spéciaux sont la 140 C 231 confiée à l'Ajecta en région parisienne, la 140 C 38 préservée par le CFTLP à Limoges, la 140 C 27 par le Gadeft à Nîmes et la 140 C 100 du Train à Vapeur de Touraine actuellement confiée au Train Thur Doller Alsace près de Mulhouse.
Les 141 sont dites Mikado. Elles ont été commandées par la SNCF au lendemain de la seconde guerre mondiale et construites en Amérique du Nord par différentes firmes des Etats-Unis et du Canada sur des plans dessinés par l'entreprise Baldwin Locomotives Works. Autant dire que vu leur nombre, elles ont circulé un peu partout sur le territoire français. Plusieurs antennes de l'AAATV en préservent des exemplaires : les 141 R 840 et 1199 à Orléans, 141 TC 51 à Lille, 141 TB 424 à Carhaix en Bretagne, 141 R 1108 à Breil-sur-Roya non loin de Nice, 141 R 1298 à Nîmes. D'autres associations en conservent aussi dans leurs collections : l'Amicale des Cheminots pour la Préservation de la 141 R 1126 prend soin de cet exemplaire près de Toulouse, l'Ajecta veille à Provins sur les 141 TB 407 et 141 TC 19, le CFTLP de Limoges la 141 TD 740 et le Train à vapeur d'Auvergne la 141 R 420.
Locomotives dédiées au trafic marchandises par excellence, les Decapod sont des 150. La France en verra rouler quelques-unes, mais l'Allemagne à elle seule en construira 11000. Une seule est préservée dans l'hexagone, il s'agit de la 150 P 13 qui a longtemps été stationnée sous les rotondes de Mohon, avant d'être tout récemment transférée en Normandie où c'est le Pacific Vapeur Club de Sotteville les Rouen qui est désormais chargé d'en prendre soin.

On ajoute un essieu à l'avant et on passe dans la famille des 200

Avec tout d'abord les 230, construites pour le Paris-Orléans. Comptant 10 roues, elles ont été tout naturellement baptisée les « Ten Wheels ». Elles ont été affectées à tout type d'usages que cela soit le remorquage de trains de voyageurs express ou omnibus, ou de marchandises. On les a surtout vues rouler sur les rails de l'ouest et du sud-ouest du pays. Dans cette série, le CFTVA à Arques, veille sur la 230 D 9, la 230 D 116 est confiée à l'Ajecta et la 230 G 353 est préservée par l'APPMF à Gièvres dans le centre de la France. Sa restauration arrive dans sa dernière phase et cette machine devrait très prochainement pouvoir être remise en chauffe. Les 231 sont les fameuses Pacific ! Elles doivent leur nom au fait que les premières de la série ont été construites par Baldwin à partir du début du 20ème siècle pour les chemins de fer de Nouvelles Zélande. Elles ont donc du traverser l'océan Pacific pour être livrées à leur client. Des exemplaires de ces machines sont préservées par l'AAATV de Saint-Pierre des Corps, la 231 E 41 qui a longtemps été exposée comme pot de fleur sur un rond point de la ville, mais qui devrait dans quelques années pouvoir retourner sur les rails, le CMCF à Oignies a en charge la 231 P 78 en livrée chocolat typique du nord, le CFTLP de Limoges la 231 K 82, le MFPN en région parisienne la 231 K 8 et enfin le Pacific Vapeur Club chouchoute près de Rouen la 231 G 558 toujours en grande révision mais qui devrait prochainement revenir sur les rails.

Et on arrive aux plus grosses machines de leur catégorie, du moins pour ce qui concerne celles qui on été construites et que l'on a pu voir circuler en France, les 241.

Il en existe plusieurs séries, la plus emblématique étant les 241 P surnommées Mountain. 35 exemplaires seulement on été construits par les ateliers Schneider du Creusot à la fin de la seconde guerre mondiale et leur durée de vie a été assez courte puisqu'elles ont été radiées au bout de 20 ans de bons et loyaux services seulement. Plusieurs sont préservées. L'une d'elles, la 241 P 16 à la Cité du Train de Mulhouse. La P9 est en cours de remontage à Toulouse par l'AAATV Midi-Pyrénées, l'Ajecta est en possession de la P30 en attente de restauration, quand à la P17, elle assure régulièrement des trains spéciaux sur le réseau ferré national.

J'espère que vous comprendrez mieux maintenant comment fonctionne la numérotation des locomotives à vapeur, d'autres numéros d'Aiguillages ceux-ci, seront consacrés aux séries plus récentes de locomotives thermiques et électriques voire bi-mode ainsi qu'aux autorails et aux automotrices jusqu'aux TGV, parce-que plutôt que de vous proposer un énorme sujet sur la numérotation du matériel roulant de la SNCF qui aurait risqué de vous paraître bien indigeste, j'ai préféré vous en concocter plusieurs petits que vous retrouverez dans quelques semaines sur cette chaîne, où vous pouvez également voir ou revoir de nombreux reportages consacrés aux associations citées dans celui-ci ainsi qu'à d'autres qui préservent de nombreuses locomotives à vapeur un peu partout dans le pays.



Suggestions de reportages à revoir dans la catégorie : Le matériel moteur de la SNCF