Cabines Expériences
à la Cité du Train
Cabines Expériences à la Cité du Train
Transcription :
Deuxième partie du reportage consacré aux nouveautés de la saison 2024 à la Cité du Train à Mulhouse. Après les Y Expériences, je vous propose de nous intéresser aux Cabines Expériences. S'il est un regret que l'on peut avoir quand on visite ce musée, c'est bien de ne pas pouvoir accéder à l'intérieur des engins exposés, défaut désormais partiellement corrigé puisque les plus passionnés des visiteurs pourront dès cette année s'offrir le petit privilège de pouvoir se hisser à bord de trois machines, une vapeur, la 141 R Mikado, une électrique, mais pas n'importe laquelle puisqu'il s'agit de la CC 7107 détentrice du record du monde de vitesse sur rail de 1955 et une cabine de TGV Sud-est. Ces visites sont proposées le lendemain des journées Y Expériences, elles sont animées par le même groupe de bénévoles, d'anciens cheminots pour la plupart d'entre eux conducteurs de train quand ils étaient encore en activité, qui ne demandent qu'à partager leur passion en faisant découvrir aux visiteurs intéressés la conduite de ces différents engins. On va s'offrir aujourd'hui un baptême de conduite d'une locomotive à vapeur en suivant l'un d'entre eux à bord. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
S'il est une série de machines emblématiques de l'ère de la vapeur après-guerre, c'est bien celle des 141 R puisque plus de 1300 d'entre-elles directement importées des Etats-Unis et du Canada ont circulé en France. Des locomotives qui ont introduit sur le réseau ferré national toute une série d'innovations. Celle que l'équipe de bénévoles a choisi de mettre en avant cette année, est une machine au fuel, la 141 R 1187 qui fait partie d'une série de locomotives à vapeur commandées par la SNCF outre-atlantique pour faire face à une pénurie de machines.
Après-guerre, sur les 17 500 locomotives que comportait le parc SNCF, il ne restait que six-mille engins-moteur qui étaient en route, qui pouvaient tourner. Et sur les 3 000, à peu près 3 000 engins qui avaient été réquisitionnés par l'Allemagne seuls 300 sont revenus d'Allemagne. Donc il manquait énormément de transports alors que le pays avait besoin justement de ce transport afin de pouvoir retravailler au niveau sidérurgie et faire tout ce qu'il fallait pour remonter la France. Donc, dès le premier trimestre 1944, une mission SNCF qui se trouvait au Maroc comprenant la problématique qu'il pourrait y avoir un ou deux ans après sont montés en Amérique et directement, ils ont discuté avec les Américains sur un contrat, un contrat de locomotives. Ce qu'ils recherchaient et ce que recherchait déjà la SNCF juste avant la guerre, c'est de trouver une machine simple à conduire, confortable, qui revenait pas trop cher au niveau maintenance et qui était un petit peu polyvalent. Donc ils ont trouvé cette 141 R qui fonctionnait déjà en Amérique, mais il a fallu la réadapter au système français. Un certain nombre de choses devaient être rajoutées au niveau sécurité et puis, en particulier ici, on conduit à gauche, alors qu'en Amérique, on conduisait à droite. Donc, une première commande de 700 engins, donc, a été passée par la SNCF. C'était à l'époque que des charbonnières, hein, on pensait que charbon. Donc, très rapidement, les fonds ont été trouvés pour d'autres engins-moteur et il y a un deuxième contrat qui a été passé qui comprenait effectivement 640 machines. Alors vous allez me dire, c'est 700 plus 640, c'est 1340. Et pourtant, nous n'avions que 1323 locomotives qui sont arrivées parce que le « Bel Pamela » a donc un bateau qui transportait 17 machines a malheureusement sombré. Et donc il y a 17 de ces machines qui sont encore au fond de l'eau. Donc ces machines, eh bien, elles ont été vraiment très intéressantes pour la SNCF parce qu'elles ont complètement modifié le système SNCF. Avant, chaque machine avait son conducteur et son chauffeur. Donc c'étaient des machines qui étaient difficiles à conduire, elles avaient des compound et c'était vraiment compliqué. Et donc on avait besoin de gens qui étaient expérimentés. L'arrivée de ces machines-là, très simples, ont fait réaliser la montée en roulement d'un certain nombre de conducteurs qui n'auraient pas pu le faire sans ces machines, sans cette simplicité-là. Ce qui fait que, effectivement, on a trouvé ces machines qui étaient en libre-service, je dirais, il n'y avait plus une machine avec son conducteur et son chauffeur, mais une équipe qui travaillait sur une machine lambda. Par contre, au niveau des dépôts, tout ce qui tournait autour en maintenance, le graissage, la mise en route de la machine, etc. était fait par des équipes sur place. Souvent, c'était des conducteurs qui étaient descendus de machines et on leur permettait effectivement de continuer à travailler sur ces machines. Alors c'étaient des machines robustes qui ne tombaient pratiquement pas en panne au niveau maintenance, elles étaient meilleures en termes de maintenance que tout le reste que l'on possédait. Donc c'était vraiment très, très intéressant. En anecdote, comme nous avions la montée de l'électricité et la diminution de la vapeur, nous avions des machines 241 P qui faisaient des express, qui étaient autorisées à 140 kilomètres à l'heure et qui côtoyaient les 2 D 2 qui arrivaient, qui roulaient aussi à 140. Quand une 241 P tombait en panne, on la remplaçait par une 141 R qui était autorisée qu'à 100 kilomètres à l'heure. Vous allez me dire nécessairement, on prenait du retard ! Et bien non, parce que c'étaient des machines qui étaient tellement puissantes, simple expansion, qui permettaient d'aller vite et d'accélérer très vite, ce qui fait qu'elles gagnaient du temps en montée en puissance. Et elles tenaient la vitesse et elles tenaient la route à 100 kilomètres.
Ce sont les machines qui ont été réparties dans quels dépôts ?
Alors elles sont arrivées d'abord dans l'Est, parce que l'Est manquait de machines polyvalentes. Alors comme c'étaient des charbonnières, elles suivaient effectivement le charbon. Donc il y avait de la houille côté sidérurgie en Lorraine... Et puis ensuite elles ont basculé du côté Nord, puis ensuite elles ont basculé du côté Sud-est. Mais les 700 premières étant charbonnières, les 640 autres qui sont venues derrière, 284 ont été effectivement destinées au fioul. C'est d'ailleurs une machine au fioul que nous avons. Et étant donné que nous avions des problématiques de charbon à cette époque-là, on n'avait pas assez de charbon. Il fallait savoir quand même que la SNCF employait 9 millions de tonnes de charbon pour sa charge en vapeur ! Donc il fallait réduire le charbon pour la vapeur SNCF afin de la donner à la sidérurgie. Donc 320 des machines charbonnières ont basculé côté fuel, la transformation se faisait en moins d'une semaine, donc c'est quand même très appréciable. Et à un moment donné, on avait 604 machines qui étaient au fioul. Par la suite, ce qui s'est passé, c'est que le fioul est devenu très cher et on a repris une vingtaine de ces fiouls-là et on les a rebasculées charbon pour gagner un peu d'argent au niveau achat du fioul. Alors c'est une machine très très simple, cette machine, elle est à simple expansion avec un réchauffeur effectivement, qui permettait de réchauffer l'eau froide par la sortie de la vapeur et qui permettait donc d'engager déjà de l'eau chaude à l'intérieur de la chaudière. C'est donc une 100, donc un essieu porteur, 41, donc quatre essieux moteurs et un essieu porteur à la fin. Les 700 premières machines avaient un bâti qui était soudé. Ensuite, on est passé à un bâti qui était d'une seule pièce. Donc ça, ça permet une meilleure rigidité et moins de problèmes au niveau de maintenance. Donc vous avez des roues boxpok. Donc les premières étaient à roues à rayons, puis ensuite, nous avons eu une partie de la deuxième commande avec des roues boxpok, mais uniquement sur des roues qui étaient fractionnaires, puis ensuite les 200 dernières ont eu les quatre roues boxpok. Donc ensuite, ce que nous pouvons dire... l'avantage aussi, c'est que nous avions des graisseurs qui étaient automatiques. Ça, ça a été un grand avantage. Le mécanicien, en fin de compte, lui, il ne travaillait que sur les graissages des bielles et le graissage de certaines, certains graisseurs qui était un peu particulier. Mais au lieu de travailler 1 h sur sa machine avant de partir, il mettait 5 à 10 minutes. Donc il tâtait quand même les bielles pour voir si elles n'avaient pas chauffé. Donc, en dix minutes, un quart d'heure, il avait fait le tour de sa machine et ils savaient ce qu'il en était. On a nécessairement un bissel sur les machines, donc la majeure partie, ont un bissel qui a été monté en plusieurs pièces. Par contre, les 200 dernières comme celle-là a un bisel qui est d'une seule pièce. Ça aussi ça permet effectivement d'avoir plus de maîtrise et puis une situation meilleure au niveau de la prise des courbes. Alors c'est une machine qui avait un tablier au niveau chauffe qui était assez grand, parce que le fuel ..., le fuel a une particularité, il monte en puissance, en température, beaucoup plus que le charbon. Le charbon, on est sur du 1350 degrés alors que sur le fioul, on est sur du 1700 degrés. Donc, pour accepter une machine au fioul, on était obligé d'avoir un tablier très très large. Il fait cinq mètres cinq sur seize mètres carrés. Donc les locomotives SNCF avaient des tabliers beaucoup moins importants et on ne pouvait pas accepter la chauffe au fioul parce que la température était beaucoup trop élevée. C'est pour ça que c'était pratiquement les seules machines qu'on pouvait travailler avec du fioul.
On avait une génératrice là-haut qui travaillait. On la voit ici qui travaillait et pour produire de l'électricité. Alors c'était très intéressant parce que ça produisait une lumière blanche, alors qu'avant, on était sur du tungstène, des choses comme ça. Donc c'était plutôt une lumière jaune. Rien que cette petite chose-là permettait au conducteur d'avoir une vision bien meilleure en cabine de conduite. Alors cabine de conduite aussi, avec un confort qui a été bien supérieur puisque pour la première fois, le conducteur et son chauffeur pouvaient travailler assis. D'ailleurs, la SNCF, au départ, avait demandé à supprimer ces sièges. Or, si on supprime ces sièges, on n'arrive plus à la conduire parce que c'est justement en position assise que le chauffeur et le conducteur ont les manettes les plus proches d'eux. Donc ils pouvaient vraiment travailler assis. Alors ce qui a été formidable, c'est que les 700 premières ont été construites en exactement onze mois. Trois machines sortaient tous les jours des chaînes. Alors on avait quand même trois entreprises américaines qui travaillaient sur la construction de ces engins. Et puis par la suite, pour la deuxième série de 640 autres, ces entreprises ont été conservées, mais les Canadiens, deux entreprises canadiennes, ont permis d'accélérer encore le mouvement. Donc, en fin de compte, sur les 1323 machines, eh bien, elles sont arrivées en France en deux ans. Donc deux ans, alors que pour une petite histoire, je crois que ce sont les 241 p, Alstom a mis quatre ans pour en fournir 35 à la SNCF entre 48 et 52 ! Donc vous voyez un peu la différence. À ce moment-là, il faut savoir aussi que les usines tournaient au ralenti puisque la majeure partie des usines étaient détruites, en particulier les ateliers SNCF. Alors cette machine était produite, prenait le bateau, mettait douze jours pour venir entre l'Amérique et la France à l'arrivée de la France, alors les bielles étaient démontés. Il y avait un certain nombre de choses qui étaient démontées au niveau de la cabine de conduite afin de pouvoir les mettre par quatre ou par cinq dans les bateaux, bateaux spécialisés. Donc, une fois arrivée, on faisait partir la machine sur un dépôt et sur ce dépôt, on remettait les bielles à bord, on la chauffait, on faisait les dernières montées de particularités françaises sur cette machine et en l'espace de huit jours, ben elle était prête pour partir et elle faisait ses premiers tours de roues parce qu'on en avait vraiment besoin.
On va maintenant monter à bord de la machine pour s'intéresser dans un premier temps au tender qui ne contenait pas du charbon, je vous le rappelle, mais du fioul.
C'était du fioul lourd. Faut, il faut jamais l'oublier. Donc il fallait réchauffer ce fuel afin de pouvoir travailler avec. Donc c'est pour ça qu'on utilisait en fin de compte la chauffe pour réchauffer effectivement le fuel du tender afin de pouvoir avoir cette fluidité qui permettait l'utilisation. Donc, là, on a donc une pression. Et cette pression, elle devait être de 7 à 8 afin de pouvoir utiliser ce fuel. Alors c'est ce qui... La particularité aussi de ces machines ... Ces machines pouvaient prendre la vapeur de l'extérieur. Donc, très souvent, quand on avait des machines au fuel, on travaillait avec une prise d'air extérieur, donc on montait à six la pression de la machine grâce à la chauffe extérieure, afin de pouvoir engager tout de suite une chauffe au fuel qui permettait d'être très rapidement en fonction. Sinon, si au départ pour quand il n'y avait aucune pression, on mettait quand même 3 h pour la mettre sous pression. Donc l'intérêt, c'est d'avoir par exemple un chauffage à la vapeur et ce chauffage à la vapeur des bâtiments, de la maintenance permettait de venir prendre la vapeur à l'extérieur et de monter en pression afin de pouvoir très rapidement partir avec. Alors au niveau de la cabine, donc, on voit très rapidement qu'il y a deux postes de conduite que nous avons le poste de conduite du mécanicien. Et on s'aperçoit que quand il est assis, il a effectivement la maîtrise du matériel, le frein, le changement de vitesse, le régulateur. Voilà. Donc lui, il avait toutes ces pressions à bord. Donc on retrouve ici des pressions de chauffe, mais on retrouve aussi des pressions pour le frein à en particulier ceci, cela. Ça, c'est du frein. Donc, en fin de compte, il pouvait travailler assis et on voit très bien que si on enlève le fauteuil quand il est debout, ça ne marche pas. Ça ne marche pas, ce n'est pas fait pour. Donc, voilà, il travaillait donc directement et il avait une vue assez simple à l'extérieur. Il bossait et travaillait beaucoup avec la tête à l'extérieur, mais aussi, il avait son petit, sa petite vitre et ça lui permettait de voir l'extérieur. Alors le chauffeur lui, son travail, c'était d'avoir effectivement toujours la pression et puis la chauffe de l'eau en fonction, il fallait toujours que ce soit bien précis. Donc il avait ici cette manette qui permettait de travailler avec les injecteurs du côté du fuel. Alors on a un injecteur de fuel qui arrive derrière en dessous, qui vient chauffer par-dessous, et l'air passant ici permettait de rabattre... de pulvériser ce fuel afin d'avoir une flamme qui soit vraiment très intéressante et qui venait lécher le bout du foyer. Donc, ici, il avait un injecteur qui lui permettait d'envoyer de l'eau chaude, mais par contre cet injecteur, ils l'utilisaient pratiquement pas. Pourquoi ? Parce que je vous ai parlé du réchauffeur extérieur et grâce à ce réchauffeur extérieur, on alimentait pratiquement la chaudière sans problème afin de pouvoir vraiment travailler sans avoir besoin d'engager l'injection. Sinon lui, il bossait avec ses manettes afin de pouvoir avoir des pressions qui étaient acceptables au niveau de la vapeur pour que le mécanicien puisse travailler avec cette vapeur. Et puis on a donc cette partie-là, cette partie-là. Alors, je ne vais pas trop insister sur cette partie-là. Ça, c'est les auxiliaires. Donc, ça, c'est des ouvertures, de l'arrivée d'eau dans les pompes, etc. Donc ça, on est sur le système qui permettait en fin de compte de mettre en fonction la machine. Donc, on ouvrait certaines vannes, on permettait l'arrivée de l'eau à la pompe à eau froide, on avait une pompe à eau chaude. Donc toutes ces choses-là se faisaient grâce à ça. Et une fois que la pression était bonne, en fin de compte, on ne travaillait que sur les deux postes ici à ce niveau. Ceci, c'est le régulateur. Donc le conducteur marchait toujours régulateur, ouvert. C'est ça qui lui donnait, qui permettait l'arrivée de la vapeur au niveau des pistons et de démarrer la locomotive. Ici, c'est le changement, le changement de sens, de marche. Alors vous voyez, c'est une petite manette très facile, mais ça entrainaît un piston, effectivement. Et donc c'était très facile à changer de sens, de marche sur les anciennes machines à vapeur. Les autres, il y avait carrément une manette qu'il fallait tourner, qu'il fallait... C'était beaucoup plus fastidieux. Là, c'était un piston qui permettait de travailler facilement. Et si vous avez le frein, vous avez le frein direct, le frein direct qui ne travaillait que sur la machine et sur le tendeur, alors que ce frein automatique permettait de freiner tout le train.
Ce sont des machines qui tiraient aussi bien des rames de voyageurs que marchandises.
Alors elle était dédiées au départ plutôt aux trains de marchandises et aux trains de messageries. Pourquoi ? Parce qu'on en avait besoin pour remonter la France. Mais très rapidement, alors qu'elles étaient limitées à 90 kilomètres à l'heure, on les a autorisés à dix kilomètres supplémentaires. Donc elles pouvaient rouler à 100 kilomètres à l'heure et à 100 kilomètres à l'heure avec leur réactivité au niveau du démarrage. Elles arrivaient donc à traîner des trains de voyageurs sans aucun problème et en respectant l'heure, ce qui était formidable !
Pour faire comme moi et monter dans la cabine de cette locomotive, mais aussi dans celle de la CC 707 et d'un TGV sud-est, cous pouvez vous inscrire sur le site de la Cité du Train pour une prochaine session de « Cabines Expériences ». Ces visites ont lieu les dimanches après-midi qui suivent les dates des expériences que je vous ai relaté dans cet autre reportage.
Les trésors cachés
du Chemin de Fer de la Mure
La 241P 9
quitte toulouse
Le Musée
des Technologies Ferroviaires (3/3)
La renaissance
de la gare de Latillé
- © Aiguillages 2024